Torture et meurtres par la police, sous la responsabilité de Bunyoni
À l’époque où Bunyoni était directeur de la police nationale et pendant ses deux mandats en tant que ministre de la Sécurité publique, des membres de la police ont commis de graves violations des droits humains, notamment des meurtres et des tortures d’opposants présumés au gouvernement. Après les élections de 2010, par exemple, la police a été impliquée dans des meurtres, des arrestations et des mauvais traitements de nombreux membres des FNL et d’autres opposants au gouvernement, sous la responsabilité de Bunyoni.
Pendant la première vague de manifestations contre la décision de Nkurunziza de briguer un troisième mandat en avril et mai 2015, lorsque la police a eu recours à une force meurtrière et excessive contre les manifestants, le ministre de la Sécurité publique était Gabriel Nizigama, aujourd’hui chef de cabinet civil à la Présidence. Mais la brutalité policière contre les manifestants s’est poursuivie lorsque Bunyoni a pris le relais en août 2015.
Au cours du deuxième mandat de Bunyoni en tant que ministre de la Sécurité publique d’août 2015 à juin 2020, des membres de la police ont torturé des opposants de manière barbare : ils ont versé du liquide brûlant sur leurs corps, les ont battus avec des barres de fer, leur ont arraché les dents avec des pinces, et forcé les détenus à regarder pendant que d’autres étaient exécutés avec des couteaux. Ces pratiques se sont intensifiées lorsque certains manifestants ont attaqué des policiers et des membres du parti au pouvoir. La police a également collaboré avec des Imbonerakure qui ont arrêté, battu et détenu des manifestants.
Le président américain Barack Obama a signé le 22 novembre 2015 un décret imposant des sanctions ciblées à Bunyoni, ainsi qu’au directeur adjoint de la police nationale, Godefroid Bizimana, entre autres.
Bunyoni porte la responsabilité des violations commises par la police, car il n’a pas puni les officiers supérieurs responsables. En tant que ministre de la Sécurité publique, il était au sommet de la chaîne de commandement de la police. Des organisations burundaises et internationales de défense des droits humains ont publié des preuves documentaires et visuelles détaillées de ces violations, de sorte qu’il ne pouvait pas affirmer de manière crédible qu’il n’en avait pas connaissance. Pourtant, il a refusé d’admettre que la police était responsable de graves violations des droits humains.
Dans une lettre à Human Rights Watch en mai 2016, il a écrit qu’il était « impensable » que la police ait pu maltraiter des détenus, et que ce serait « une erreur grave que d’affirmer gratuitement » que la police a arrêté arbitrairement, torturé ou maltraité des opposants présumés du gouvernement. Il a nié catégoriquement que la police ait collaboré avec des Imbonerakure. Toutefois, il a déclaré que depuis 2015, 70 policiers avaient été poursuivis pénalement, certains pour « des exactions commises durant la gestion du mouvement insurrectionnel » avant et après les élections de 2015 et d’autres pour des infractions de droit commun.
Malgré le démenti de Bunyoni, la police a continué de collaborer avec les Imbonerakure. Par exemple, le commissaire de police de la province de Muyinga, Jérôme Ntibibogora, a été impliqué dans la planification et l’exécution d’une embuscade contre des membres du CNL par des Imbonerakure à Muyinga le 18 août 2019. Au cours de l’attaque, des Imbonerakure ont tué un homme âgé, Grégoire Nsavyumwami, et blessé sept autres personnes, dont une femme de 74 ans. Le commissaire de police avait été informé des menaces contre les membres du CNL, mais n’a rien fait pour les protéger. D’autres policiers ont eux-mêmes menacé des membres du CNL. Le 17 avril 2019, lors d’une réunion publique avec la gouverneure à Gasorwe, Ntibibogora avait tenu des propos menaçants contre des opposants qui organisaient des « réunions secrètes » la nuit. Il avait averti les membres du CNL et leurs familles qu’au lieu de les arrêter, il leur lancerait des grenades.
Bunyoni n’aurait pas enquêté sur l’implication de Ntibibogora dans l’embuscade du 18 août 2019 ni pris des mesures punitives contre lui ou d’autres policiers impliqués. Fin 2020, Ntibibogora demeure commissaire de police à Muyinga.
Outre les violations des droits humains commises par la police sous son commandement ultime, des allégations répétées ont été faites selon lesquelles Bunyoni pourrait avoir été personnellement impliqué dans des violations des droits humains. Cependant, plusieurs sources, dont certaines avaient travaillé en étroite collaboration avec lui, ont déclaré qu’il avait perfectionné l’art d’agir dans l’ombre et qu’il était donc difficile de prouver son implication personnelle dans des cas spécifiques.
L’IDHB a recueilli des témoignages de personnes ayant des informations de première main sur des crimes graves que Bunyoni aurait ordonnés en 2017 et 2020, mais n’a pas été en mesure de vérifier tous les détails et les circonstances entourant ces incidents. Compte tenu de la gravité des allégations, l’IDHB a choisi d’obtenir une confirmation et des preuves supplémentaires de son implication.
Le bras droit de Bunyoni : Désiré Uwamahoro.
Bunyoni a eu une relation étroite avec Uwamahoro depuis le temps où il était directeur de la police nationale et lors de son premier mandat de ministre de la Sécurité publique. Entre 2006 et 2007, Ndayishimiye, qui était alors ministre de l’Intérieur, a écrit à Bunyoni, lui demandant de punir Uwamahoro pour les crimes qu’il avait commis. Bunyoni semble n’avoir pris aucune mesure contre Uwamahoro.
En juin 2010, Uwamahoro et deux autres policiers ont été condamnés pour avoir torturé des membres présumés des FNL détenus en 2007. Au moment de ces tortures, il était commandant d’une unité du Groupement mobile d’intervention rapide (GMIR). En 2008, il a tué par balle un membre des FNL. Lorsque Nizigama a remplacé Bunyoni au poste de ministre de la Sécurité publique en novembre 2011, il a rétrogradé Uwamahoro. Mais lorsque Bunyoni est revenu au ministère de la Sécurité publique en août 2015, il l’a rapidement réintégré et l’a placé à la tête d’une unité spéciale qu’il a créée, la Brigade anti-émeute (BAE). Sa réintégration était en violation de la loi burundaise qui déclenche la cessation définitive des services d’un officier de la police condamné à une peine d’emprisonnement supérieure à six mois.
Tout au long de 2015, Uwamahoro a été impliqué dans des arrestations de personnes accusées d’avoir participé à des manifestations contre le troisième mandat du président Nkurunziza. À partir de septembre 2015, les policiers de la BAE ont arrêté des dizaines d’opposants présumés.
Des policiers de la BAE et des militaires ont abattu plusieurs personnes lors d’un cortège funèbre à Buringa, province de Bubanza, le 31 octobre 2015.57 Plusieurs témoins ont déclaré qu’Uwamahoro était présent sur les lieux, coordonnant l’opération et donnant des ordres aux policiers de la BAE.
En janvier 2017, Uwamahoro a été reconnu coupable d’extorsion dans le cadre de trafic d’or et condamné à trois mois d’emprisonnement. Bunyoni a appelé le directeur de la prison de Bubanza et lui a dit d’accorder un traitement spécial à Uwamahoro, notamment une chambre avec accès à une télévision.
Après sa libération, Bunyoni a réintégré Uwamahoro dans la police nationale en mai 2017 et, en mai 2019, l’a nommé commandant du deuxième GMIR – l’unité qu’il dirigeait plus de dix ans plus tôt – basé à Kanyosha, un quartier de Bujumbura. Au moment de la rédaction de ce rapport, il occupe toujours ce poste.
Extrait du rapport "Mainmise sur l'avenir du Burundi", pp 26-29
(les photos de ce post ne sont pqs issues du rapport)
Lien du rapport : https://burundihri.org/
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