Gervais Ndirakobuca : Ministre de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique

Les Burundais qui connaissent Gervais Ndirakobuca le craignent. Ils ont entendu les histoires selon lesquelles il n’a montré aucune pitié envers les manifestants à Bujumbura en 2015, ou comment, en tant que responsable au SNR, il a battu des opposants, dont certains n’ont jamais été revus. Ils frémissent en apprenant qu’il collabore avec le duo redouté : le policier Désiré Uwamahoro et l’agent du SNR Joseph Mathias Niyonzima, alias Kazungu (voir « Le bras droit de Bunyoni : Désiré Uwamahoro », et « L’homme de main de Ndirakobuca : Kazungu »).


Mais Ndirakobuca est un personnage complexe. Les habitants de Ndora, sa région d’origine dans la province de Cibitoke, ont mentionné une église et un hôtel qu’il a construits ces dernières années. D’anciens collègues et amis ont assuré qu’il était fidèle et qu’il pouvait être loquace, sociable et même drôle. Il a parfois utilisé ses contacts et sa redoutable réputation pour rendre service à ses amis. Toutefois, s’il est contesté ou perçoit un traître, sa bonne humeur peut soudainement s’évaporer et il peut devenir violent. « Si vous le rencontriez sans le connaître, vous ne croiriez pas qu’il a participé à des crimes », a remarqué un homme qui le connaissait personnellement. « Il est comme deux personnes différentes. Il s’adapte. Il s’affiche différemment ... Socialement il est bien, mais politiquement il est méchant. »

Une réputation basée sur la brutalité

La réputation de brutalité de Ndirakobuca remonte à son temps dans la rébellion. Initialement actif au PALIPEHUTU, Ndirakobuca a rejoint les FDD, la branche armée du CNDD, au début des années 1990. En 1996, il était capitaine et commandant de compagnie des FDD dans sa commune d’origine, Bukinanyana, dans la province de Cibitoke. Il est ensuite devenu commandant de bataillon et a supervisé un bureau de liaison du CNDDFDD à Moliro, une ville de la RDC à la frontière avec la Zambie.

À partir de 1997, le gouvernement congolais a utilisé le CNDD-FDD pour combattre les forces burundaises, ougandaises et rwandaises en RDC. Ndirakobuca a facilité l’envoi de troupes et d’armes aux combattants du CNDD-FDD dans la province congolaise du Katanga, où ils ont combattu aux côtés des forces gouvernementales congolaises.

« (Ndirakobuca) était très impliqué sur le front », a expliqué un ancien combattant, évoquant la période où ils se sont battus ensemble en RDC. « Il (était) l’un des rares officiers à avoir avancé sur les lignes de front avec ses troupes. Ceux qui avaient peur ont été sanctionnés (par lui) et obligés de transporter des biens pillés et de préparer des plats chauds. »

Pendant son séjour en RDC, Ndirakobuca avait déjà fait preuve d’une attitude impitoyable. « (Ndirakobuca) avait le cœur dur, sans pitié, quand il battait quelqu’un, mais il aimait atteindre son objectif », a déclaré un ancien combattant qui s’est battu à ses côtés. Un autre soldat qui a travaillé sous ses ordres a affirmé qu’il avait « tué des civils au Congo pour rien. »

D’autres combattants du CNDD-FDD ont déclaré que le fort engagement de Ndirakobuca envers le mouvement armé avait influencé son tempérament. « Il détestait les gens qui commettaient une injustice. Il détestait la fraude », a indiqué un ancien combattant qui s’est battu à ses côtés. « Ndirakobuca ... voulait que les gens prennent conscience de pourquoi ils étaient venus se battre dans la brousse. C’était quelqu’un qui détestait les traîtres. Lorsque vous aviez causé du tort, vous étiez puni. Si (les traîtres) étaient libérés, (il croyait) qu’ils pourraient trahir (le CNDD-FDD) auprès du gouvernement. »

Après la guerre civile au Burundi, Ndirakobuca a été nommé directeur général adjoint de la police nationale. Il a occupé ce poste de 2007 à 2012 et initialement il a travaillé sous Bunyoni, pendant une période où la police a commis de nombreuses violations des droits humains. Puis, en septembre 2012, le président Nkurunziza l’a nommé chef de cabinet au SNR où il travaillait sous la direction d’Adolphe Nshimirimana, l’un des hommes les plus brutaux et les plus puissants de la présidence de Nkurunziza. Ndirakobuca est devenu proche de Nshimirimana lorsqu’ils ont travaillé ensemble au SNR.

Un ancien responsable du CNDD-FDD qui connaissait Ndirakobuca lorsqu’il travaillait au SNR a déclaré : « Il a tellement de sang sur les mains du temps où il était chef de cabinet au SNR. »

L’allégeance de Ndirakobuca à Nshimirimana et Bunyoni a accéléré son ascension politique, mais elle a aussi entaché sa réputation, y compris auprès des autres généraux, qui, à ce jour, se méfient de lui. Une source qui connaissait personnellement Ndirakobuca a déclaré qu’il avait une manière de s’imposer dans les cercles civils et militaires et qu’il pouvait refuser d’obéir aux ordres du parti en raison de son statut et de son influence.

En 2014, le président Nkurunziza a nommé Ndirakobuca chef de cabinet chargé des questions de la police à la Présidence – poste dans lequel il a continué à collaborer avec Bunyoni – et en novembre 2019, à la tête du SNR, en remplacement d’Étienne Ntakarutimana, alias Steve, qui avait perdu sa faveur. Puis Ndayishimiye a nommé Ndirakobuca le 28 juin 2020 au poste de ministre de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique.

(Extrait du rapport de BHRI, "Mainmise sur le futur du Burundi" pp 31-33).
Lien du rapport : https://burundihri.org/

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