Du sang sur les mains : l’implication de Ndirakobuca dans des violations des droits humains

 

Des témoins ont décrit des incidents au cours desquels Ndirakobuca a été personnellement impliqué dans des violations des droits humains dans les postes de responsabilité successifs qu’il a occupés. Une source qui a collaboré avec lui lorsqu’il était chef de cabinet chargé des questions de la police à la Présidence de 2014 à 2019 a déclaré : « Le type-là, il se mêlait de tout, comme un membre du SNR. Il donnait des ordres ... et il retournait après à la présidence. » D’autres sources ont indiqué qu’il ordonnait souvent à d’autres personnes de commettre ces violations. « Il avait des gens qui commettaient des meurtres pour lui. Il avait ses bras droits », a affirmé un membre d’une organisation de la société civile.

 
Une personne proche de Ndirakobuca a déclaré qu’au début de 2014, plusieurs jeunes hommes détenus au siège du SNR à Bujumbura ont été menottés, bâillonnés et contraints de s’allonger à l’arrière d’une camionnette alors que la police les surveillait. Ndirakobuca les a accompagnés dans la camionnette jusqu’à Bubanza où il a dit aux policiers de les sortir de la camionnette, puis il a tiré sur chacun des jeunes hommes deux fois dans la poitrine avec un pistolet. Il a ordonné aux policiers de mettre les corps dans une fosse qui avait déjà été creusée, et a dit qu’une autre « équipe » viendrait les recouvrir de terre. L’IDHB n’a pas été en mesure d’établir l’identité des personnes qui ont été tuées.
 
Lorsqu’il était chef de cabinet chargé des questions de la police à la Présidence, Ndirakobuca a été impliqué dans l’exécution extrajudiciaire de membres d’un groupe armé qui sont entrés dans la province de Cibitoke depuis la RDC entre le 30 décembre 2014 et le 3 janvier 2015 et ont affronté les forces de sécurité. Des dizaines de membres du groupe armé ont été arrêtés ou se sont rendus à la police et à l’armée, puis ont été tués par les forces de sécurité ou par des Imbonerakure. Marius Ngendabanka, qui était le commandant de la première région militaire du Burundi, couvrant Cibitoke, aurait ordonné leur exécution ; en 2016, le gouvernement des États-Unis l’a sanctionné, en lien avec ces événements, entre autres.
 
Une source militaire qui a participé à l’opération contre les combattants a déclaré que Ndirakobuca était présent pendant les combats, et qu’avec d’autres policiers, il avait combattu aux côtés des Imbonerakure et des militaires qui se sont affrontés avec les hommes armés.
 
Un habitant qui a lutté contre les combattants a déclaré à un ami à l’époque que Ndirakobuca et les policiers sous son commandement étaient impliqués dans le meurtre de certains de ceux qui avaient été arrêtés ou s’étaient rendus. « Ils n’ont pas utilisé d’armes à feu », a-t-il précisé, se référant à certains des auteurs de ces meurtres. « Ils ont tué à l’aide de machettes et de baïonnettes. »
 
Après l’attaque, Ndirakobuca, accompagné de ses gardes, d’autorités locales et d’Imbonerakure, s’est rendu dans un bar aux environs. Il a acheté de la bière pour tout le monde et on l’a entendu dire qu’il « venait d’enterrer des Tutsis », faisant référence au meurtre des combattants. Il a dit qu’il « se lavait les mains », un euphémisme burundais qui fait référence à la pratique traditionnelle de boire de la bière après un enterrement, connue en kirundi sous le terme de gukaraba.
 
Une source ayant des informations de première main a déclaré qu’au début de 2015, Ndirakobuca, accompagné de Joe Dassin Nkezabahizi – un Imbonerakure qui est devenu plus tard un agent de renseignement – et un homme connu sous le nom de Binobine – un ancien membre des FNL devenu Imbonerakure – ainsi que quatre policiers, ont arrêté deux membres des FNL dans la commune de Musigati, province de Bubanza. Les deux hommes étaient accusés de collaborer avec une faction armée des FNL basée en RDC.
 
Ndirakobuca a frappé l’un des membres des FNL avec une Kalachnikov, puis l’a emmené avec l’autre membre des FNL au camp Muzinda, un camp militaire de la province de Bubanza, et les a remis au colonel Darius Ikurakure, le commandant du camp. Deux jours plus tard, la source a vu une photo du cadavre d’un des membres des FNL qui avait été retrouvé dans la province de Muramvya.
Plusieurs anciens membres des forces de sécurité ont déclaré à l’IDHB que Ndirakobuca était impliqué dans la répression en 2015 contre des manifestants qui s’opposaient au troisième mandat présidentiel de Nkurunziza. Ils ont décrit comment Ndirakobuca, qui, à l’époque, était chef de cabinet chargé des questions de la police à la Présidence, supervisait des membres de la police qui tiraient à balles réelles sur des manifestants. Des témoins oculaires ont affirmé avoir vu Ndirakobuca tirer lui-même sur des manifestants.
 
En 2015, les États-Unis et l’UE ont imposé des sanctions contre Ndirakobuca, notamment des restrictions de voyage et des gels des avoirs. Le département du Trésor des États-Unis l’a sanctionné pour son rôle présumé dans la violente répression, notant : « Début juin 2015, des témoins ont affirmé que Ndirakobuca avait abattu un civil dans le quartier de Musaga à Bujumbura lors d’un affrontement entre des jeunes en patrouille et la police burundaise. » L’UE a déclaré qu’il avait donné « des instructions ayant entraîné un recours disproportionné à la force, des actes de violence, des actes de répression et des violations du droit international des droits de l’homme contre des manifestants ... à partir du 26 avril 2015 ... notamment les 26, 27 et 28 avril, dans les quartiers de Nyakabiga et Musaga à Bujumbura. »
 
À la suite d’attaques par des hommes armés non identifiés contre plusieurs camps militaires à Bujumbura le 11 décembre 2015, un grand nombre de personnes ont été arrêtées, torturées et tuées par des membres des forces de sécurité à Bujumbura. Des policiers ont arrêté et battu un homme chez lui, puis l’ont emmené au domicile de Ndirakobuca à Kinanira 1, près de Musaga, un quartier perçu comme un bastion de l’opposition :
J’ai été (d’abord) torturé par les policiers lorsqu’ils sont venus chez moi ... Deux des policiers m’ont frappé ... avec une baïonnette et le canon d’un fusil et m’ont donné des coups de pied ... Puis ils m’ont traîné jusqu’à la maison de Ndakugarika. Quand nous sommes arrivés là, ils m’ont ligoté. Je saignais ... Un policier qui se trouvait à la maison de Ndakugarika a mis le canon d’une arme dans la plaie et a dit : « Ils t’ont raté. Moi, je ne vais pas te rater. Je vais t’achever. » Puis d’autres policiers sont venus et m’ont donné des coups de pied.
Quand je suis arrivé (à la maison de Ndakugarika), j’ai trouvé beaucoup d’autres détenus ... des jeunes hommes ligotés là-bas, probablement plus de 30. Je connaissais certains d’entre eux ... Je n’ai pas vu Ndakugarika. Il était à l’intérieur de la maison. La police de sa garde et d’autres policiers nous ont tous rassemblés làbas ... Les policiers de sa garde sélectionnaient des personnes parmi celles qui étaient arrêtées et ligotées. Ils ont sélectionné (l’un des détenus). L’un des policiers a déclaré que Ndakugarika l’avait choisi. Il lui a dit : « Le général a besoin de toi. » Les gardes choisissaient les gens par leur nom et les appelaient à l’intérieur.
 
Les détenus ont passé plusieurs heures au domicile de Ndirakobuca et ont ensuite été emmenés à un centre de détention officiel de la police. Par après, certains ont été transférés à la prison centrale de Mpimba. Le sort des autres demeure inconnu.
 
De nombreuses autres personnes ont été arrêtées dans les jours suivants. Par exemple, des policiers ont arrêté un homme en décembre 2015 et l’ont emmené au siège du SNR à Bujumbura, où des policiers et des agents du SNR l’ont torturé et accusé d’être un opposant. Ndirakobuca était présent lors de l’une des séances de torture et a frappé le détenu.
 
Dans une tactique souvent utilisée par le service de renseignement pour infiltrer l’opposition, Ndirakobuca a utilisé d’anciens membres des FNL pour cibler des opposants présumés. Un ancien membre des FNL, qui avait rejoint le CNDD-FDD quelques années plus tôt, a déclaré avoir été approché en 2020 par plusieurs hommes qui affirmaient appartenir au service de renseignement et disaient qu’ils avaient été envoyés par Ndirakobuca, alors chef du SNR. Ces hommes lui ont demandé d’identifier des membres du CNL et de « les éliminer un par un ». L’homme n’a pas suivi leurs ordres et a ensuite été enlevé par deux hommes et battu. « Quand ils ont dit le nom de (Ndirakobuca), je l’ai entendu même si j’étais en train d’être (battu) », a déclaré la victime.
 
L’IDHB a recueilli des témoignages de personnes ayant des informations de première main sur d’autres cas de meurtres et de torture dans lesquels Ndirakobuca aurait été impliqué, en particulier depuis 2015, mais n’a pas été en mesure de vérifier les détails de chacun de ces incidents.
 
En 2015, Ndirakobuca et d’autres hauts responsables du gouvernement ont planifié l’assassinat de deux membres du CNDD-FDD et ont donné l’ordre à Niyonzima alias Kazungu, entre autres, d’exécuter la mission. En raison d’un concours de circonstances, le plan n’a pas été exécuté. L’IDHB s’est entretenue avec des sources qui ont décrit comment Ndirakobuca a tenté de faire échouer une enquête sur le meurtre d’un personnage éminent en 2016, a battu un membre du parti au pouvoir pour ne pas avoir obéi à des ordres en 2018 et, pas plus tard qu’en août 2020, a ordonné à des autorités provinciales de détenir des individus sur des accusations douteuses ou fabriquées.91 L’IDHB a reçu des informations détaillées sur ces événements, mais pour protéger les témoins contre d’éventuelles représailles, elle a choisi de ne pas publier les détails.
 
Les liens étroits de Ndirakobuca avec des auteurs de violations des droits humains lui ont aussi parfois permis d’aider certaines personnes, en particulier à la demande d’amis et de collègues. En 2019, un homme a été menacé par des individus non identifiés qui l’avaient prévenu qu’il pouvait disparaître. Deux jours plus tard, il a reçu de nouvelles menaces lors d’un appel téléphonique anonyme et des véhicules ont commencé à le suivre. Craignant pour sa vie, il a contacté un membre du gouvernement qui a prévenu Ndirakobuca. Ndirakobuca se serait adressé à Uwamahoro et Niyonzima et leur aurait dit de s’assurer que l’homme était en sécurité. La surveillance s’est arrêtée presque immédiatement.
 
(Extrait du rapport de BHRI "Mainmise sur l'avenir du Burundi" pp 33-37)
Les images de ce post ne sont pas issues dudit rapport.

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