"Sinzi ivyo ndimwo" ou la dernière opération d'un Imbonerakure.

Le 11 août 2016, Abel Ahishakiye, milicien Imbonerakure de Muramvya, a écrit un dernier message à ses proches: "sinzi ivyo ndimwo" ou "je ne sais pas dans quelle affaire je suis embarqué". Il avait peur. Il avait reçu un appel des ses patrons du SNR et il venait d'embarquer à bord d'une belle Jeep aux vitres teintées, pour une destination jusqu'ici inconnue. Certaines sources affirment qu'il aurait passé par la permanence nationale du parti CNDD-FDD. Il était fier, puissant, craint. Trois semaines plus tôt, il avait participé à une opération très importante: il avait réussi à piéger le journaliste d'Iwacu Jean Bigirimana, introuvable depuis le 22 juillet 2016. Il ne savait pas que, en guise de récempense, une dernière opération l'attendait: celle de sa propre disparition.

Le 22 avril 2017, autour de 21 heures, le milicien Imbonerakure Lambert Bitangimana a écrit un dernier message à son épouse: "nsengera" ou "prie pour moi". La femme a rappelé le numéro de son mari qui a juste pu décrocher mais n'a rien dit, la femme a entendu son mari crier "muntwaye he, nabagize iki?" (où m'emmenez-vous, qu'est-ce que je vous ai fait?). La veille autour de 23 heures, Lambert avait reçu un appel du Major Noël Banyiyezako, officier chargé du renseignement au palais de Pierre Nkurunziza, qui lui demandait de se rendre illico à Ngozi pour une mission très urgente et très "bénéfique". Le lendemain, très tôt le matin, il était dans le premier bus Bujumbura-Ngozi. Arrivé à Ngozi, il a été logé et nourri toute la journée dans un très bel hôtel en attendant la dernière opération de sa vie. A 21 heures, il a été arrêté brutalement par des agents du SNR Ngozi. Le lendemain, son corps étranglé était à côté du véhicule de l'Honorable Oscar Ntasano à Muyinga. La police n'a jamais remis le cadavre à la famille, sa femme et son bébé de 7 mois ont pris le chemin de l'exil alors qu'ils étaient recherchés par le tristement célèbre Kazungu. Le 20 avril 2017, soit deux jours avant son assassinat, Lambert Bitangimana vait su piéger l'Honorable Oscar Ntasano avant sa disparition forcée.
 

Famili Ngendakuriyo avait servi dans beaucoup d'opérations du SNR. Il était fier, courageux, puissant. Il aimait la vie. Le 03 août 2015, il a reçu la mission de tirer sur Pierre-Claver Mbonimpa et il l'a fait même si "Mutama National" n'en est pas mort. Trois mois plus tôt, sa photo, en tenue militaire alors qu'il tirait à balles réelles sur des manifestants de Mutakura, avait fait le tour des réseaux sociaux. Parmi ses amis, il était devenu presqu'un héros: il cassait du "Mujeri", il était le meilleur des militants de "Mutama Nkurunziza". Pourtant, début septembre 2015, il ne savait plus à quel saint se vouer. Il sentait sa mort venir et sollicitait le secours de Pierre Claver Mbonimpa sa victime. Il a finalement réalisé que celui qu'il prenait pour ennemi à abattre, c'était plutôt lui le véritable ami des mauvais jours. Malheureusement, Mbonimpa était si loin, sur un lit d'hôpital et ne pouvait rien pour le sauver. Le 30 septembre 2015, il a été abattu par balles à Kinama. La police lui a juste réservé un tweet. C'était sa dernière opération.
 

Le 25 mai 2017, Eddy Uwimana, milicien imbonerakure très actif de Musaga, a reçu un appel de son collègue Pascal Minani alias Mabiya: une opération très importante l'attendait et il devait recevoir les instructions à la barrière municipale de Kanyosha. La barrière était tenue par deux Imbonerakure qu'il connaissait très bien: Mabiya et Samson Manirambona. Arrivé sur les lieux, Eddy Uwimana a appris qu'il devait appeler son ami et collègue Aimé-Aloys Manirakiza alias "Musaga" parce que l'opération était commune. Aussitôt que "Musaga" est arrivé, les deux miliciens ont été ligotés et remis au Brigadier Jonas Ndabirinde de la garde présidentielle. Musaga et Eddy étaient très puissants à Musaga: ils avaient le pouvoir de dénoncer, d'arrêter, de voler et de tuer. Ils étaient les bras droits du Major Pascal Minani alias "Mababa", commandant du Camp Muha et coordinateur de la répression dans les quartiers sud de la ville de Bujumbura. Ils étaient également très liés au Maire Freddy Mbonimpa et au député Lewis Niyongabo. L'avenir était prometteur. La "grande opération" du 25 Mai 2017 s'est révélée n'être qu'un guet-apens: ils auraient été conduits au camp de l'API (unité d'appui à la protection des institutions) à Ngagara Q.9 et auraient été exécutés dans la nuit. Le sort de leurs corps n'a pas été élucidé: soit incinérés, soit jetés dans une longue fosse "chez sebatutsi" à Kanyosha, selon les sources. Leurs familles sont restées dans la tourmente, l'épouse de "Musaga" est ardemment recherchée et menacée de mort. Il importe de signaler ici qu'une semaine avant la disparition de Musaga et eddy, trois de leurs collègues avaient été tués à la grenade: Audifax Ndayizeye, Cédric Kwizera et Ligan Harerimana.

Chaque Imbonerakure devait tirer une leçon de ces situations: il y aura une dernière opération, ce sera celle de son assassinat. Nkurunziza ne badinera pas en laissant des témoins gênants. A bon entendeur, salut !

Cliquez sur http://ndondeza.org/aime-aloys-manirakiza/ et lisez l'enquête du FOCODE sur la disparition forcée d'Aimé-Aloys Manirakiza, plus connu sous le pseudonyme d'Aimé Arakaza alias Musaga. #NDONDEZA.

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