Burundi 03 août 2015- 03 août 2017. Deux ans après, Pierre-Claver Mbonimpa est en vie.

Quand je l'ai revu pour la première fois en septembre 2015, ses premiers mots étaient "Pacifique, j'ai pris ta balle". Et il le disait avec un sourire. Pourtant il souffrait encore, terriblement, des suites de la tentative d'assassinat du 03 août 2015. Rapidement il m'a raconté que l'homme qui avait tiré sur lui, Famili Ngendakuriyo, le suppliait de l'aider à quitter le Burundi. Famili était à son tour menacé de mort et savait que le seul qui pouvait l'aider c'était plutôt sa victime. Pierre-Claver Mbonimpa peinait de ne pas pouvoir l'aider. Même Famili, il voulait l'aider. Malheureusement, Famili a été abattu le 30 septembre 2015.


Cet homme a tant souffert; en réalité il est, à lui seul, le concentré des malheurs des burundais. C'est à peine qu'il a échappé aux tueries de 1972, des amis tutsi l'ont caché, ses amis ont péri, il a abandonné ses études et son rêve de devenir géomètre. En 1993, il était l'un des plus proches collaborateurs de Melchior Ndadaye dans sa marche vers la victoire, par moments il était son chauffeur. Quelques mois plus tard, c'est à lui que les militaires ont remis le corps du président assassiné. Avec amertume, Mbonimpa dit dans son livre récemment publié: "Nous avons reçu tous les corps sauf celui de Gilles Bimazubute. A ce jour, personne ne sait où son corps a été jeté." Plus tard, Mbonimpa s'est retrouvé injustement en prison, dans la même cellule que l'homme qui avait étranglé le président de la république. Son frère qui avait barré des routes après l'assassinat du Président Ndadaye a été tué par des militaires. Son père, hutu, est mort en exil au Rwanda. Sa mère, tutsi, a été assassinée dans un camp de déplacés internes à Vyerwa. Tout comme sa belle soeur et son neveu. Mbonimpa dénonce aussi, dans son livre, les massacres des tutsi de sa localité en 1993: "dans notre coin, les Tutsi et les Rwandais ont été regroupés au centre de négoce de Kiziba et tués. Dans ce seul coin, que je connais très bien, au moins 200 personnes d'ethnie tutsi ont été tuées après la mort de Ndadaye".

Son long séjour en prison lui a ouvert les yeux sur les injustices et les traitements inhumains de l'univers carcéral burundais. Il en est sorti sans amertume pour s'engager dans la lutte pour les droits des prisonniers et les droits humains en général. En 2005, l'ancien mouvement rebelle CNDD-FDD a gagné les élections, son propre fils était un officier du même mouvement. L'espoir suscité au départ a été de courte durée. Mbonimpa a découvert les massacres de Muyinga en 2006 et les a dénoncés avec un courage exceptionnel. Extraits de son livre: "Le CNDD-FDD ne me pardonnera jamais d'avoir fait connaître le crime qui devait passer incognito" (...) "Ce crime m'a fort marqué. Pour moi, c'est un crime fondateur qui nous a montré le visage que l'on ne connaissait pas, ou que l'on pensait avoir oublié de l'ancien mouvement rebelle.."

Et puis il y aura l'assassinat d'Ernest Manirumva en 2009, le plan "Safisha' contre les FNL après les élections de 2010, les formations paramilitaires des Imbonerakure à l'Est de la République Démocratique du Congo, etc. Il est retourné en prison en mai 2014 et en est sorti quatre mois plus tard grâce à un mouvement citoyen inédit "Campagne du Vendredi Vert", prélude de la contestation du troisième mandat de Nkurunziza, et à la mobilisation de la communauté internationale. En tant que leader du Mouvement Halte au Troisième Mandat, il a été blessé de deux balles à la tête le 03 août 2015, sur ordre du SNR (services secrets) qui voulait venger la mort du Général Adolphe Nshimirimana tué la veille. "Ils ont dit que j'étais plus Tutsi que les Tutsi", m'a-t-il confié un jour. Comme si cela ne suffisait pas, son gendre et son fils seront également tués en octobre et novembre 2015.

Cet homme qui a tant souffert n'a aucune parcelle de haine ou de rancune dans son coeur. Je l'ai côtoyé à plusieurs reprises, il ne veut du mal à personne. Pierre Nkurunziza s'est gravement trompé de cible le 03 août 2015, je ne doute pas que Pierre-Claver Mbonimpa sera son meilleur avocat le moment venu. Et le Dieu que Nkurunziza cite souvent en a décidé autrement: Mbonimpa devait survivre et rester témoin ! Décidément, le Dieu n'appartient pas à Nkurunziza comme il aime le raconter, c'est le Dieu de tous les burundais et du Burundi.

Ma récente découverte sur Mbonimpa: il a appris le maniement des armes avec Denise Nkurunziza alors qu'ils étaient en formation d'officiers de la PAFE ! Qui l'aurait imaginé?

Longue vie à Mutama. Restons debout.

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