Burundi: Exécution extra-judiciaire du prévenu Rénovat Nimubona


Le corps inanimé de Rénovat Nimubona était au bord d'un sentier dans la vallée entre les quartiers de Shatanya et Mushasha au chef-lieu de la province de Gitega, dans la matinée du 14 décembre 2016. Les premiers passants l'ont trouvé les bras ligotés dans le dos, la tête partiellement fracassée "par un métal", le torse nu. Dans quelques instants après, la police a déclaré que Rénovat Nimubona avait été atteint par les tirs d'un codetenu. La veille, il avait obtenu une permission d'aller retirer de l'argent au bureau postal de Gitega, il était accompagné d'un policier Déo Manariyo alias NDINGA et du capita général des prisonniers de Gitega, Audace Nyandwi. Selon la police, il aurait par la suite partagé un verre avec ses deux compagnons et une femme non-identifiée dans une maison de passage à Gitega et aurait tiré sur le policier avant de s'évader. Tout l'après-midi du 13 décembre 2016, il était ardemment recherché par la police et l'administration... Comment peut-on être atteint mortellement par une balle et se retrouver ligoté? Le Focode Asbl a enquêté.

Rénovat Nimubona était policier de la garde présidentielle (API), il avait longtemps servi comme chauffeur dans le cortège présidentiel avant d'être affecté au Protocole d'Etat, toujours à la présidence de la république. Il avait été arrêté dans la soirée du 16 août 2015, torturé et secrètement détenu pendant 21 jours dans une toilette au siège du SNR (services secrets) à Rohero avant d'être transféré à la Prison de Gitega. Il était accusé d'avoir trempé dans l'assassinat du Général Adolphe Nshimirimana le 02 août 2015, accusations qu'il a toujours niées en prouvant qu'il était en congé chez lui à Rutana au moment de l'assassinat. Le Procureur n'a jamais pu prouver le contraire.

Rénovat Nimubona avait de précieuses connaissances sur des secrets des services de sécurité au Palais de Pierre Nkurunziza. Dans une correspondance intense qui aura duré 7 mois (mai 2016 à décembre 2016), Rénovat Nimubona a livré plusieurs informations au FOCODE. Il a notamment révélé l'existence d'un groupe de policiers qui serviraient à la fois de service de renseignement privé de Pierre Nkurunziza ("Maneko" comme il disait) et d'escadron de la mort. C'est ce groupe de sous-officiers et d'agents de la police tout-puissants qui disposent de pick-ups, de voitures Toyota TI et Carina, de motos et d'autres moyens que leur envient mêmes des officiers commandants d'unités. Ce sont ces caporaux qui disposent d'une garde, d'armes lourdes et qui arrivent à louer de belles villas à Kigobe et Carama. Ce sont ces policiers intouchables qui peuvent commettre toutes sortes de crimes en toute impunité: enlèvements, disparitions forcées, viols de jeunes filles, exécutions extra-judiciaires, assassinats, etc. Ce sont ces noms qui deviennent de plus en plus familiers: Jonas Ndabirinde, Jean Nimenya alias John Ruhindigitero, Claude Nijimbere alias Matwi,... Selon Rénovat Nimubona, le groupe reçoit directement des ordres du Colonel Dominique Nyamugaruka (BSPI) ou du Colonel Jean-Marie Niyonzima alias Ndundi (API). Rénovat Nimubona a aussi fourni une liste de crimes qui auraient été commis par cette équipe: assassinat de Zedi feruzi en mai 2015, enlèvement et exécution du Colonel Cyprien Nihorimbere à Ngozi en décembre 2015, disparition forcée du policier Adelin Bizimana à Gitega en décembre 2015, enlèvements de beaucoup de jeunes en Mairie de Bujumbura, etc. Certaines de ces informations ont été confirmées par des enquêtes du FOCODE, d'autres cas sont encore sous enquête.

Selon les investigations du FOCODE, Rénovat Nimubona aurait été capturé dans la soirée du 13 décembre 2016 par un groupe de policiers conduits par un officier du SNR résidant à Gitega Gérard Ndayisenga (actuel responsable du SNR à Muyinga également cité dans plusieurs crimes dont ceux de Mukoni en janvier dernier). Il aurait été ligoté, interrogé et torturé avant d'être tué par le coup d'une clé de roue sur sa tête. Son corps aurait été jeté au bord du sentier dans la vallée de Gitega, dans les premières heures du 14 décembre. La police et la justice n'ont jamais enquêté sur cette exécution. Mais pourquoi ont-ils exécuté Rénovat Nimubona? Parce qu'ils ont réalisé que la justice ne sera pas capable de le condamner ou bien pour éliminer un homme qui en savait trop sur un système criminel au Palais? Seule une enquête crédible et indépendante pourra y répondre?

Rénovat Nimubona a laissé une jeune épouse et trois fillettes de 7, 5 et 2 ans qui se cacheraient depuis. Il est mort à 32 ans.

Lisez l'entièreté de l'enquête du FOCODE sur http://ndondeza.org/renovat-nimubona/

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