Burundi: des décisions à la police et l'armée qui inquiètent!
#Burundi Les
dernières décisions de Pierre Nkurunziza dans la police et l'armée comportent
des messages à ne pas négliger. Rapidement, on peut constater au moins trois
messages dans la nomination de Gabriel Nizigama et Gervais Ndirakobuca au grade
le plus élevé de la police et dans la mise en retraite « statutaire »
de Germain Niyoyankana et plusieurs autres officiers supérieurs ex-FAB.
1. Un message à
"Mutama 2", donc au Général Alain-Guillaume Bunyoni. Mutama 2 était
jusqu'ici l'officier de police détenant le grade le plus élevé parmi les
anciens rebelles du CNDD-FDD: Commissaire de Police Chef (CPC) équivalent de
Lieutenant-Général dans l'armée burundaise. Bunyoni a souvent fait figure de
numéro trois du régime jusqu'à l'assassinat du Lieutenant-Général Adolphe
Nshimirimana en août 2015. Depuis, il se comporte comme l'alter ego de Pierre Nkurunziza
et ne cache plus ses ambitions de remplacer "Mutama 1". Des rumeurs
parlent d'une préparation d'un coup d'Etat que Nkurunziza serait arrivé récemment
à déjouer. Le malheur de Mutama 2 est qu’il s’est fait beaucoup d’ennemis dans
son propre camp. Son successeur et prédécesseur au ministère de la sécurité publique,
Gabriel Nizigama, aurait beaucoup souffert des entraves qui lui causait Bunyoni
dans sa fonction ministérielle. Aujourd'hui la situation s’est inversée,
Gabriel Nizigama est désormais le successeur de Bunyoni au puissant cabinet
civil de Nkurunziza, il a la main sur les finances et détient tous les secrets
sur les dossiers de corruption impliquant Bunyoni durant son passage au Cabinet.
Doucement et méticuleusement, Nizigama prépare sa revanche, au service d'un
Nkurunziza méfiant et rancunier comme tout! Un autre général, Gervais
Ndirakobuca alias Ndakugarika a souvent été le bras droit de Bunyoni. L'a-t-il
finalement trahi pour entrer dans les grâces de Nkurunziza? Le futur proche
nous le dira. De toutes les façons, Nizigama et Ndirakuboca sont les seuls
promus le 31 décembre 2016 et ont désormais le même grade que le puissant et
arrogant Bunyoni. Une semaine plus tôt, Nkurunziza avait organisé une croisade
de prière à Rutana (le fief de Bunyoni) où des messages durs ont été proférés
contre des "ennemis hypocrites du président qui se cachent parmi ses
amis" et qui seront durement châtiés « par dieu » en 2017!
Certaines prêches d’un pasteur courtisan (qui recevrait en secret des messages
de Nkurunziza) ont été méprisantes et fortement violentes: "ces chiens à
la peau de moutons qui se cachent parmi les vrais moutons". Normalement
les amis de Nkurunziza sont toujours appelés des moutons tandis que ses
adversaires sont soit des chiens soit des chèvres ("akari mu mpene niko
kari no mu ntama' rappelle-t-il souvent quand il parle du mal des siens). Au
moment où les emprisonnements des amis de Bunyoni se multiplient, Mutama 2 doit
s'inquiéter de la montée de ses rivaux!
2. Un message
aux ex-FAB. Au moment où Nkurunziza fait monter au grade le plus élevé
exclusivement DEUX anciens rebelles ex-FDD, il décide par la même occasion de
mettre en retraite "statutaire" UN Lieutenant-Général ex-FAB, Germain
Niyoyankana, ainsi que plusieurs autres officiers supérieurs tous ex-FAB. Tout
récemment, pour la première fois, le recrutement des sous-officiers s'est fait
dans les proportions 60% hutu et 40% tutsi alors que depuis une décennie
c'était 50-50. Cette nouvelle tendance peut s'expliquer dans l'accord d'Arusha,
mais il n'est pas sage de la mettre en œuvre dans une période de suspicion. Des
même les assassinats, les disparitions forcées, les exécutions extra-judiciaires
et les arrestations arbitraires qui ont particulièrement ciblé des militaires
et des policiers ex-FAB ont créé une telle méfiance dans les corps de défense
et de sécurité que les autorités burundaises devraient s'abstenir dans
l'immédiat de décisions pouvant être interprétée comme une volonté d'ethnicisation
de ces corps. Le fait de favoriser un groupe dans la nomination aux grades les
plus élevés n'est pas de nature à rassurer.
3. Un message à
tous ceux qui défendent les droits humains et réclament la fin de l'impunité:
Nkurunziza s'en moquent éperdument. Le Général Gabriel Nizigama était ministre
de la sécurité au moment du lancement des manifestations populaires contre le
troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Il porte à ce titre la responsabilité de
la répression violente contre une manifestation pacifique. Gabriel Nizigama est
également l'homme qui a félicité, avec Edouard Nduwimana, les policiers qui
venaient de tirer dans le dos des pèlerins à Businde en mars 2013. Le nom de
Gervais Ndirakuboca, quant à lui, fait froid au dos des burundais. Son surnom
assumé de "Ndakugarika" ('je vais te tuer") rappelle son niveau
de violence. Depuis l'assassinat du vice-président de l'OLUCOME Ernest
Manirumva en avril 2009, Gervais Ndirakobuca est cité dans presque tous les
crimes de sang attribués au régime Nkurunziza. Ancien directeur général adjoint
de la police, ancien chef de cabinet du général Adolphe Nshimirimana au SNR,
actuel chef de cabinet police de Nkurunziza, "Ndakugarika" est sous
des sanctions de l'Union Européenne et des Etats-Unis d'Amérique. Son élévation
au plus haut grade de la police est un message de mépris envers la communauté
internationale et les défenseurs de droits de l'homme!
Le moins que l’on
puisse dire est que l’annonce de ces décisions au début de 2017 n’augure rien
de bon sur les intentions de Pierre Nkurunziza dans la nouvelle année !
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