Les conseillers des présidents africains!
(extrait d'un témoignage d'un ancien conseiller de Thomas Sankara)
Les chefs d’Etat africains s’entourent de tant de conseillers qu’ils écoutent si peu ! Dans la plupart des cas, ces conseillers n’ont rien à dire en dehors des « ragots » qu’ils rapportent à l’occasion de leurs rares rencontres fortuites avec le Président. Leur nomination correspond plus à une promotion sociale offerte à un ami ou à un proche parent, qu’à un réel besoin de conseils. Cette catégorie de conseillers, généralement incompétents, incapables d’élaborer le moindre petit dossier sensé sur un quelconque problème, font partie de tous ceux qui sont payés pour mentir aux chefs d’Etat. En effet, si certains présidents en Afrique aiment à s’entourer d’une pléthore de conseillers – une véritable cour – c’est afin de les entendre, ensemble avec les ministres, leur répéter tout le bien de leurs propres « œuvres », et raconter combien leurs peuples sont heureux de leur gouvernement, jusqu’au jour très proche d’une révolte de ces mêmes peuples, désespérés par leur vie de misère. (…)
Les chefs d’Etat entendent si peu de « non » autour d’eux ! Tout est « oui » ; « Le peuple est content et heureux. Ceux qui murmurent dans leur coin sont des jaloux car ils en veulent à votre place ; ce sont des ennemis » ; au mieux des « opposants » ! Comment peut-on réaliser des progrès dans un pays si le chef de l’Etat s’entend tous les jours dire que « tout va très bien », alors que « toute une aile du château brûle » ?
Mais comment dire le « non » à un chef d’Etat chaque fois que cela est nécessaire pour que la vérité lui soit toujours révélée ? C’est là tout l’art d’être conseiller. Un art qui s’acquiert par la pratique, mais aussi par une force intuitive que seule une éducation de base (familiale ou autre) peut en façonner les rudiments. Certainement, le « non » courageux qu’il faut savoir dire n’est pas toujours très facile à formuler. Cependant, si ce « non » a pris naissance dans votre conscience grâce à une analyse toute professionnelle du fait, il ne peut que franchir vos lèvres et affirmer la vérité pour le bien de votre pays. Car, au-delà de ce simple « non » face à un homme, c’est à votre pays que vous exprimez votre loyauté, au lieu des « oui » faciles, peu dérangeants mais souvent complaisants, qui font tant de plaisir à entendre.
La fonction de conseiller d’un chef d’Etat requiert un certain nombre d’aptitudes : l’habileté de la parole juste ; une expérience professionnelle incontestable dans le domaine requis pour les avis à donner ; un esprit plein de ressources.
(Alfred Yambangba SAWADOGO, Le président Thomas SANKARA, chef de la Révolution Burkinabè : 1983-1987. Portrait. Pp 63-65)
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