Déclaration du FOCODE: "Non au monopole sur les media publics!"
« NON AU MONOPOLE
SUR LES MEDIA PUBLICS !»
Le Gouvernement du Burundi et le CNC doivent
garantir l’accès équitable de tous les acteurs
socio-politiques à la télévision nationale et à
tous les media publics
Le Conseil National de la Communication (CNC) a
communiqué jeudi le 25 juillet 2013, par la voie des ondes, son rapport sur le
fonctionnement des media burundais au cours du premier semestre de l’année en
cours. Comme d’habitude, le CNC a fourni des conseils importants aux media
privés, notamment sur le fait qu’ils portent peu d’intérêt aux activités
gouvernementales. On note également dans ce rapport quelques remarques à la
presse publique écrite et des félicitations à la télévision nationale qui aura
accordé la parole à tous les acteurs politiques.
Le FOCODE s’étonne que le Conseil National de la
Communication semble ignorer une partie importante
de sa mission constitutionnelle ainsi édictée : « Le
Conseil National de la Communication a, à cet effet, un pouvoir de décision
notamment en matière de respect et de promotion de la liberté de presse et d’accès équitable des diverses opinions
politiques, sociales, économiques et culturelles aux médias publics. »
(Article 284 alinéa 3 de la Constitution de la République du Burundi).
Face
à cette situation, le FOCODE vient d’adresser une correspondance au Président
du CNC pour dénoncer le comportement scandaleux de la télévision nationale et
pour lui demander de casser le quasi-monopole du Chef de l’Etat, du
Gouvernement et du parti présidentiel sur la télévision nationale et les autres
media publics. Le FOCODE demande au CNC de décider sur les éléments
ci-après :
1.
Il n’est pas normal que le Président
de la République ait de manière exclusive un moment d’expression avant chaque
édition de l’actualité sur la télévision et la radio nationales comme à
l’époque du parti unique. Si des paroles doivent être faites avant chaque
édition du journal, cette tranche devrait être alternativement et équitablement
accordée, sur une thématique précise, à un représentant du gouvernement (le
Chef de l’Etat notamment), à celui de l’opposition et à celui de la société
civile. Parfois le Président de la République passe ainsi des semaines entières
à critiquer certaines catégories de citoyens burundais sans que ces derniers
aient la moindre possibilité de répondre à ces critiques. Cela est injuste et
ressemble plus à de la propagande digne des temps révolus de la pensée
unique ! A titre d’exemple, le Chef de l’Etat vient de passer un peu plus
d’une semaine (cela signifie des centaines de fois si l’on compte toutes les
éditions parlées de l’actualité dans toutes les langues) en train de fustiger
les citoyens qui collaborent dans l’élaboration de certains rapports des organisations
internationales. On devrait, en toute logique, accorder le même temps de parole
aux citoyens injustement accusés ou bien aux experts pour qu’ils fournissent
leurs justifications ou la lumière à l’opinion publique. Le CNC doit mettre fin
à ce monopole et à ces injustices.
2.
Depuis un certain temps, la télévision
nationale enchaine des informations, notamment les weekends, portant sur les
travaux communautaires et les visites des membres du parti CNDD-FDD à certaines
familles en difficultés. Dans une même édition, on peut avoir trois reportages
sur les travaux communautaires (descentes du Chef de l’Etat, de son épouse,
d’un vice-président de la république ou d’un des présidents des chambres du
parlement) suivi d’un ou plusieurs reportages sur les activités du parti au
pouvoir (une réunion du parti par ici, une remise d’un sac de riz à une famille
sinistrée par des responsables de la jeunesse Imbonerakure par là). La
télévision nationale, la seule de surcroît qui émet sur tout le territoire
national, est ainsi devenue un outil de propagande pour un homme, pour un
parti. Le CNC doit prendre des décisions pour amener la télévision nationale et
les autres media publics à assurer un accès équitable aux différents acteurs de
la vie nationale.
3.
Depuis un certain temps, le
gouvernement organise une nouvelle forme de communication à travers une
conférence de presse simultanée des porte-paroles du Président de la
République, du Gouvernement, de tous les ministères, de la Cour Suprême et des
deux Chambres du Parlement. Cette forme inédite de communication entretient
rapidement le flou et la confusion. D’un côté les citoyens burundais attendent
la parole de celui qu’ils ont élu, à savoir le Chef de l’Etat et du
Gouvernement, ou tout au moins des décideurs directs (les ministres en
l’occurrence) pour les informer sur l’état et les orientations du pays ainsi
que les décisions qu’ils prennent quotidiennement. D’autre part, cette
communication entretient la confusion des pouvoirs exécutifs, judiciaires et
législatifs comme s’il s’agissait d’un seul corps dirigé par le Président de la
République. Nous pensons que le CNC devrait appeler les plus hautes autorités à
organiser régulièrement de véritables conférences de presse à l’instar des
autres démocraties. De même, les deux heures de communication gouvernementale
devraient être suivies, sur toutes les antennes concernées, de deux heures de
commentaires des proclamations gouvernementales par les autres acteurs en
l’occurrence les partis de l’opposition, la société civile et les experts.
4.
De même, les messages à la Nation par
le Chef de l’Etat devraient être suivis systématiquement d’un débat sur
différents media par les acteurs de l’opposition, de la société civile et des
experts. Cette demande s’adresse aussi bien au CNC qu’aux autres responsables
des media. Une société sans débat
contradictoire de qualité a cessé d’être réellement démocratique !
5.
La télévision nationale et la presse
écrite publique s’évertuent à ignorer complètement certains événements
importants organisés par les organisations de la société civile. A titre
illustratif, la quasi-totalité des conférences de presse liées à la campagne
Justice pour Ernest Manirumva ont été boycottées par la télévision nationale,
même lorsqu’une équipe de la télévision les avait couvertes. Cette campagne qui
vient de fêter ses quatre ans est complètement absente des colonnes du
quotidien Le Renouveau alors que celui-ci constitue une source privilégiée des
chercheurs sur les événements ayant marqué notre histoire ! La couverture
d’importantes activités de la société civile par la télévision nationale sont
généralement conditionnées par des frais importants de publicité, ce qui limite
drastiquement l’information du public sur nombre de sujets. Le CNC devrait
attaquer cet état de choses.
6.
Le gouvernement prend de plus en plus
l’habitude des initiatives légales très importantes sans aucun débat avec les
citoyens. De même, les débats au parlement ne sont pas suffisamment couverts
pour une bonne information des citoyens du Burundi. Nous proposons au CNC de
prendre des dispositions pertinentes pour une bonne couverture des débats au
Parlement. En attendant la concrétisation de l’idée d’une radio et télévision
du Parlement, une troisième chaîne peut être créée à la radio nationale pour couvrir
spécifiquement les débats parlementaires tout comme le CNC peut faciliter la
transmission en direct des débats importants au parlement par différents media
du pays.
En
terminant, le FOCODE rappelle que les media publics, financés par l’argent du
contribuable, sont une propriété de tous les citoyens du Burundi et ne peuvent
être le monopole de qui que ce soit. Le débat contradictoire constitue un
pilier important de la démocratie et le CNC doit le préserver en garantissant un accès équitable de toutes les
opinions aux media publics ! Le
FOCODE lui demande de fournir régulièrement le rapport sur les tranches de
paroles accordées aux acteurs de la société civile et de l’opposition
comparativement à ceux du Gouvernement.
Fait à Bujumbura, le 02 Août 2013
Pour le FOCODE,
Pacifique NININAHAZWE
Président
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