Contribution du Focode pour la réussite du Prochain atelier de Réflexion sur le travail de la CNTB
“Le Gouvernement du Burundi doit garantir un débat ouvert et inclusif sur le travail de la CNTB”
Le FOCODE se réjouit d’apprendre qu’un atelier de réflexion sur le travail de la Commission Terre et Autres Biens (CNTB) est projeté au lundi 24 juin 2013 et voudrait donner sa contribution pour la réussite de ce rendez-vous.
Toutes les questions liées au conflit burundais sont d’une telle sensibilité qu’elles doivent être analysées de manière sereine et inclusive.
Le travail actuel de la CNTB a donné lieu à des débats passionnés et à plusieurs controverses ces derniers jours ; il est donc important que tous les aspects de contestation soient évoqués au cours du prochain atelier.
Le FOCODE tient à rappeler ici les points qui lui semblent cruciaux et exprime ainsi sa position :
1. Le FOCODE soutient fermement le principe de la restitution des biens aux personnes sinistrées et condamne les lenteurs qu’on remarque parfois dans la régularisation des situations des personnes rapatriées. Il n’est pas normal qu’un rapatrié passe plus de six mois sans logement, dans une totale précarité alors qu’il connait où se trouve sa propriété.
2. Le FOCODE condamne l’assimilation des innocents acquéreurs de bonne foi des propriétés (soit par l’attribution par l’Etat soit par l’achat aux privés) aux assassins et aux spoliateurs des biens d’autrui. La non distinction des deux catégories crée de nouvelles injustices qui ne facilitent pas la réconciliation des burundais et ne sécurisent ni le sinistré remis dans ses biens ni l’acquéreur dépossédé. Un même intérêt et une même diligence doivent être de rigueur dans le traitement des dossiers des sinistrés et des acquéreurs de bonne foi qui deviennent sinistrés à leur tour à travers la perte de la propriété acquise de bonne foi.
3. Le FOCODE demande la mise en place rapide du Fonds d’indemnisation des sinistrés prévu dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. Certains sinistrés qui avaient eu gain de cause au sein de la CNTB ont parfois été déboutés par les juridictions et ne savent plus à quels saints se vouer. D’anciens acquéreurs de bonne foi se sont retrouvés sans logement suite à des décisions de la CNTB. Des rapatriés ont parfois trouvé des infrastructures publiques érigées dans leurs propriétés et ne peuvent plus les recouvrer. Toutes ces catégories ont besoin d’une indemnisation ou compensation juste et équitable.
4. Le FOCODE ne soutient pas la mise en place d’une juridiction spéciale, avec des juges triés pour la cause, qui ne ferait que confirmer les décisions prises par la CNTB. La confirmation systématique par une juridiction spéciale des décisions de la CNTB ne serait que le déplacement du problème causé par la réformation quasi-systématique des décisions de la CNTB par les juridictions ordinaires. Il faut attaquer le mal à la racine notamment en amendant le principe de la prescription trentenaire en ce qui concerne les conflits fonciers liés à notre histoire et en instaurant une procédure ainsi que des mécanismes judiciaires spéciaux assurant la diligence et l’indépendance dans le traitement des litiges fonciers liés aux crises de notre passé.
5. Le FOCODE propose l’amendement de l’article 19 de la loi régissant la CNTB pour la rendre conforme à la Constitution de la République du Burundi. Aucune personne ne devrait être privée de sa propriété si ce n’est qu’en vertu d’une décision judiciaire et moyennant une indemnisation juste et préalable aux acquéreurs de bonne foi.
6. Le FOCODE condamne les propos de nature à véhiculer une haine ethnique utilisés souvent dans le traitement des informations sur le travail de la CNTB. Un bon nombre de conflits fonciers opposent des personnes de mêmes familles et de même ethnie. La CNTB devrait fournir, s’il le faut, la liste des maisons saisies parce qu’elles appartenaient aux personnes injustement appelées « ABAMENJA » et les traiter cas pas cas au lieu d’entretenir la polarisation du débat entre les sinistrés d’un côté et les spoliateurs des biens de ceux injustement appelés « ABAMENJA » de l’autre côté. Tous les aspects liés à cette histoire d’un conflit très complexe devraient être laissés à la Commission Vérité et Réconciliation qui aurait d’ailleurs logiquement dû précéder la mise en place de la CNTB.
7. Le FOCODE demande enfin que l’atelier du 24 juin 2013 soit suffisamment inclusif en impliquant tous les acteurs sociaux et politiques qui s’intéressent au fonctionnement de la CNTB et soit ouvert à tous les sujets qui intéressent le travail de la CNTB. L’atelier ne devrait pas être réduit au seul aspect des interférences entre la justice et la CNTB, ni orienté vers le seul résultat voulu par l’équipe actuelle de la CNTB (la mise en place d’une juridiction spéciale au sein de la CNTB) ni comprendre en grande majorité des participants qui ne soutiennent que la position de la CNTB.
En conclusion, pour le FOCODE :
- Toute formule qui complique et empêche la restitution des biens aux sinistrés est condamnable.- Toute formule qui assimile les acquéreurs de bonne foi aux spoliateurs est condamnable.
- Toute formule qui jette des familles dans la rue ou amène un citoyen burundais (rapatrié ou résident) à devenir un sans abri est condamnable.
- Toute formule qui évite le consensus national dans le traitement des questions liées aux crises de notre histoire est à éviter.
«(…) Elle doit toujours rester consciente du fait que l’objectif est non seulement la restitution de leurs biens aux rapatriés, mais aussi la réconciliation entre les groupes ainsi que la paix dans le pays.»
(Accord d’Arusha, Protocole IV, Article 8, litera k)
Fait à Bujumbura, le 21 juin 2013
Pour le FOCODE,
Pacifique NININAHAZWE
Président.
Source: http://burundimagazine.net/2013/06/21/contribution-du-focode-pour-la-reussite-du-prochain-atelier-de-reflexion-sur-le-travail-de-la-cntb/
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