Pacifique Nininahazwe: "Quand la politique tousse, les autres secteurs de la vie nationale éternuent"
source: http://bantoutimes.over-blog.com/article-pacifique-nininahazwe-quand-la-politique-tousse-les-autres-secteurs-de-la-vie-nationale-eternuent-77490333.html
Entretien exclusif avec Pacifique Nininahazwe, Délégué Général du FORSC
Jean-Marie Ntahimpera : Depuis 2009, vous êtes Délégué Général du Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC), une plateforme de 146 organisations de la société civile burundaise. Comment vous faites pour coordonner un tel conglomérat associatif?
Pacifique Nininahazwe : Il faut dire que FORSC n'est pas là pour contrôler ses membres, non seulement ce ne serait pas possible, mais surtout ce ne serait pas utile. FORSC a pour vocation de renforcer la visibilité et le positionnement des organisations de la société civile burundaise qui le veulent. Nous travaillons plus sur le renforcement des capacités des membres, nous appuyons certains plaidoyers, nous construisons des synergies sur certaines thématiques, nous animons un site web commun à la société civile burundaise (www.societecivile-burundi.org) et développons d'autres outils de communication au profit d’organisations de la société civile. Depuis l'assassinat d'Ernest MANIRUMVA, nous nous intéressons davantage à la protection des défenseurs des droits humains (ceux qui s'attachent à la défense des droits des autres en négligeant souvent les leurs). J'ai la chance d'avoir une bonne équipe de collaborateurs engagés et de très bons collègues leaders d'autres organisations, cela facilite ma tâche.
Jean-Marie Ntahimpera : Parlant de l’assassinat de Manirumva, quel est le niveau d’avancement du procès? Et que représente pour vous la réussite ou non de ce procès dans la lutte pour les Droits humains au Burundi?
Pacifique Nininahazwe : J'ai toujours de la peine à évoquer le dossier Ernest MANIRUMVA. Ce militant de la lutte contre la corruption a été assassiné le 09 avril 2009. Trois commissions d'enquête ont été successivement mises en place dont deux qui n'ont jamais produit de rapport. Le FBI américain a été appelé à contribution et elle a produit son rapport avec presque les mêmes conclusions que la troisième commission d'enquête: ils demandent tous des compléments d'enquête qui consistent notamment à l’audition de certains responsables des services de sécurité (police et service national des renseignements), l'autorisation de tests ADN sur certaines personnes, la recherche de liens entre l'assassinat d'Ernest et les meurtres de différents autres personnes dont le Capitaine Pacifique NDIKURIYO, etc. Aucune suite n'est faite à ces demandes, et parfois on sent la gêne de certaines autorités lorsque nous évoquons ces demandes comme si elles avaient mis en place des commissions dont ils n'avaient pas besoin de résultats. Nous leur demandons d'être conséquents et cohérents. Au lieu de cela, on nous rétorque qu'Ernest MANIRUMVA n'est pas le seul burundais assassiné comme si le Burundi était une terre maudite où l'on doit continuellement assister au massacre des siens et se taire. Avec Ernest MANIRUMVA, nous voulons arrêter ce cycle infernal où les puissants se croient autorisés de tout dans une impunité totale. Il est d'ailleurs incompréhensible, du moins à mon avis, que des services chargés de la sécurité des citoyens acceptent d'êtres soupçonnés d'assassinat d'un citoyen plus de deux ans durant. Sous d'autres cieux, ils devaient soit agir le plus rapidement possible pour se laver de ces soupçons, soit leurs responsables auraient depuis longtemps démissionné. Il y va, après tout, de la crédibilité de ces services. Plus l'on attendra à faire justice à Ernest MANIRUMVA, plus nous perdrons confiance dans un certain nombre d'institutions. Et voilà, 26 mois après l'assassinat d'un honnête citoyen, la justice burundaise se trouve encore embourbée dans des questions de procédure.
Jean-Marie Ntahimpera : La société civile burundaise dont vous incarnez est très active dans la lutte pour les droits humains, notamment les droits politiques, la liberté d’expression et d’opinion, la lutte contre la torture et la corruption... Ce qui est une grande avancée dans votre action. Mais on a l’impression que les droits socio-économiques ne sont pas défendus avec la même verve. Les paysans pauvres qui représentent plus de 80% de la population seraient-ils les oubliés de la lutte pour les droits humains au Burundi?
Pacifique Nininahazwe : C'est probablement une question de contexte. Le Burundi sort de trois décennies de dictature militaire et de plus d'une décennie de guerre civile, des périodes marquées de violations massives et graves de droits de l'homme. Les craintes d'un retour en arrière, la peur de perdre des droits dont nous sommes aujourd'hui fiers -et Dieu seul sait combien les menaces sont nombreuses- font que l'actualité politique occupe le gros de l'espace médiatique et des débats publics. Il existe un nombre important d'organisations burundaises qui traitent de questions environnementales, de la lutte contre le SIDA, de développement communautaire, des questions liées au genre, de la résolution des conflits au niveau de base, etc. Mais elles ont de la peine à se faire entendre. Quand la politique tousse, les autres secteurs de la vie nationale éternuent. Tant qu’on n’aura pas réussi à atteindre un certain niveau de gouvernance, il sera difficile de répondre efficacement aux besoins basiques de la population. Et l'ironie veut que ceux qui ignorent l'appel de la société civile à la bonne gouvernance s'estiment plus proches de la population paysanne et au service de cette population tandis que nous serions en train de distraire le peuple en l'alimentant de "concepts occidentaux inadaptés aux sociétés africaines et pour le compte d'ennemis de notre pays". Pourtant ce qui se passe actuellement dans les pays arabes nous rappelle qu'on ne sert jamais le peuple en ignorant ses aspirations profondes à la liberté et à la dignité.
Jean-Marie Ntahimpera: Vos détracteurs vous accusent de jouer la lutte des classes. On vous fait passer pour les défenseurs de la "bourgeoisie" contre "le peuple", ou pire, de l’aristocratie « tutsi » contre la masse "hutu".
Pacifique Nininahazwe: Question intéressante et merci de la poser. Toutes sortes de critiques négatives sont aujourd’hui répandues contre la société civile par ceux qui veulent la discréditer au lieu de répondre aux préoccupations qu’elle exprime. C’est vrai, si on la limite aux seules organisations de droits de l’homme (en ignorant les groupements agricoles, les bashingantahe, les confessions religieuses et dans une certaine mesure les syndicats), on peut accuser la société civile d’être plus présente à Bujumbura, et probablement plus intellectuelle que paysanne. Mais cela peut s’expliquer. D’une part, le concept de société civile est très récent et difficile à définir dans tous ses contours. D’autre part, nous avons encore une conception monarchique et traditionnelle du pouvoir où le chef de l’Etat est un « père de la nation » (Sebarundi) qui se soucie du bien de ses enfants, les barundi, et auquel on ne doit que obéissance et respect. Et cela va dans tous les sens : l’autorité ne conçoit pas qu’on puisse discuter ses décisions sans apparaître comme des enfants insolents, et certains citoyens estiment que la meilleure façon de soutenir une autorité est d’applaudir tout ce qu’il dit pour ne pas faire figure de rebelle et s’attirer le courroux du chef. Et vous trouverez cette conception du pouvoir à tous les niveaux de responsabilité : il suffit de visiter une classe d’une école de n’importe quel niveau, y compris l’université) : les apprenants sont dans une telle subordination qu’il existe rarement une relation de confiance et de collaboration entre eux et les enseignants. Dans ces conditions, il faudra du temps pour avoir une société civile vibrante sur toutes les collines du Burundi. C’est un défi qui nous est lancé pour notre efficacité. L’autre critique, sans aucun fondement alors, c’est une société civile tutsie. D’abord, on commence par dire que la société civile est proche de l’opposition, puis on la dit dominée par des tutsis. Certains en arrivent à ajouter que c’est un repaire de ceux qui ont échoué en politique. Soyons raisonnables : qui sont aujourd’hui les principaux opposants du pouvoir de Bujumbura ? Allez-vous me dire que le FNL, le FRODEBU, l’UPD, le CNDD sont des partis à dominance tutsie ? Si ce n’est pas le cas, expliquez-moi comment une société civile tutsie serait au service d’une opposition qui ne l’est pas ? Et puis quand je suis avec mes collègues présidents des organisations les plus visibles au sein de la société civile burundaise, spécialement sur le terrain des droits de l’homme et de la gouvernance (APRODH, FORSC, Ligue ITEKA, OAG, OLUCOME, PARCEM, etc.), je n’ai pas l’impression, à moins de me tromper, qu’ils sont majoritairement tutsi. Je me souviens qu’au début de cette année, nous avons sorti un calendrier sur les défenseurs et on y retrouve toutes les ethnies. En fin de compte, l’aspect ethnique est une fausse question pour moi. Lorsqu’une organisation dénonce un cas de violation de droit de l’homme, on n’a pas à s’interroger sur l’origine ethnique, régionale ou nationale de celui qui dénonce. C’est plutôt une question de responsabilité, l’autorité chargée de protéger le droit violé doit répondre : soit elle démontre que la violation n’a pas eu lieu, soit elle sanctionne les auteurs et prend des mesures pour que cela ne se répète plus. Enfin celui qui parlerait de « classes » au Burundi en opposant « l’aristocratie tutsi » à la « masse hutu » commettrait une erreur monumentale. S’il est vrai qu’il existe au Burundi une masse de paysans et de pauvres citadins qui ont difficilement accès à leurs besoins de base et une infime minorité dont la richesse devient de plus en plus ostentatoire et insolente, il est également vrai que dans les deux classes on y retrouve des hutus et des tutsis. Si on n’y fait pas attention, les prochains conflits se construiront sur cette inégalité révoltante. A titre illustratif, le chômage qui prend de plus en plus des proportions inquiétantes dans la jeunesse scolarisée frappe indistinctement les jeunes hutus comme les jeunes tutsis. Je crains que s’ils se lèvent un jour, on leur racontera difficilement les histoires de hutu et de tutsi. Le moment est venu de nous attaquer aux vrais défis du pays au lieu de faire recours aux recettes passéistes qui ne nous avancent en rien.
Jean-Marie Ntahimpera : Autrement dit, vous plaidez pour une redéfinition des rapports entre l’Etat et la Société, entre le pouvoir et les citoyens, pour avoir une société civile forte, ça passe par une vraie révolution des mœurs...
Pacifique Nininahazwe: En quelques sorte oui. J'aimerais voir la société burundaise se libérer de certains carcans traditionnels et historiques qui la bloquent, tout en gardant ses valeurs positives qui font son identité. Je ne comprends pas par exemple qu'il soit presque impossible aux burundais de prendre le courage de marcher pour leurs droits quand il le faut, mais qu'il leur soit facile d'opter parfois pour la voie des armes qui est de loin la plus difficile et la plus inhumaine. Le burundais veut toujours attendre l'autre s'engager sur un terrain délicat, pour une cause qui le concerne directement, et se montrer enthousiaste au moment de la victoire pour récolter les fruits de la lutte. Il nous est facile de célébrer les héros, mais tellement difficile de leur prendre la main au moment de la lutte: ni bantirumveko. On sourit à notre ennemi et on le poignarde dans le dos. On doit changer cela, construire une société de débats ouverts et francs, apprendre à affronter les défis et à distinguer l'homme et ses idées pour éviter que les adversaires deviennent toujours des ennemis. Et cela je ne le demande pas tellement au Gouvernement, c'est plutôt le travail de la société civile elle-même. Elle doit particulièrement s'atteler à l'éducation citoyenne. On ne construira pas notre démocratie sans des démocrates aussi bien au sein des institutions étatiques qu'on sein de la masse appelée à les choisir et à les évaluer.
Jean-Marie Ntahimpera : Quel est le rôle des "intellectuels" dans ce combat pour le changement?
Pacifique Nininahazwe : Une fois j'ai entendu un ambassadeur en fin de mandat à Bujumbura dire que le seul mot qu'il avait retenu du Kirundi était "gusoma" qui signifiait à la fois boire, baiser et lire. Un seul mot peut le dire à la fois mais on ne peut faire les trois en même temps...C'est probablement notre plus grande faiblesse qui risque de limiter le rôle des intellectuels: on ne lit pas, on boit. Mais cela n'empêche pas que les intellectuels se doivent de se mettre à analyser, à réfléchir et à s'engager. Il est vrai on entend de temps à autre certains politologues apporter leur regard critique sur des événements et sur des sujets de polémique. Mais cela reste rare, quoique généralement apprécié de l'opinion quand c'est fait oralement. C'est dommage qu'en même temps certaines autorités semblent minimiser la valeur du savoir académique. Une fois j'ai entendu une haute personnalité vanter qu'il a des généraux qui ont à peine terminé l’école primaire... Je ne vais pas mettre en cause le droit de tous de participer à la gestion de la chose publique, certaines situations s’expliquant par ailleurs à travers notre histoire récente. Mais l'apprentissage et la connaissance restent des passages obligés pour notre développement, et les intellectuels devront faire montre de plus d'engagement et inventer des moyens de communiquer et de fondre dans ce peuple qui ne lit pas. Je ne suis pas de ces "intellectuels" et je ne pense pas avoir de leçons à leur donner, mais il me semble qu'ils sont pour la plupart absents ou complaisants.
Jean-Marie Ntahimpera : Vous suivez attentivement ce qui se passe dans les autres pays d’Afrique. Le début de cette année 2011 a été dominé par deux événements : " le printemps arabe" et les élections "made in Côte-d’Ivoire" qui ont abouti aux deux présidents. Du jamais vu en Afrique. Quelle influence ces deux événements peuvent-ils avoir sur l’évolution politique des pays d’Afrique noire en général et du Burundi en particulier? Y aura-t-il un "printemps africain"?
Pacifique Nininahazwe : Nous avons des ressemblances et des différences avec les pays arabes. De façon générale, nous avons plus de liberté que la plupart des pays arabes tandis que les arabes sont plus instruits et ont un niveau de vie plus élevé. On ne saurait rêver que Facebook pourrait jouer chez nous le même rôle que chez les Arabes. Mais d'un autre côté, nous avons des similitudes étonnantes: une grande frustration de la jeunesse qui ne voit plus d'avenir, la faillite de la classe politique, mais aussi une aspiration à plus de démocratie, plus de respect des droits des citoyens. Le multipartisme est reconnu, les élections sont organisées à intervalles réguliers, les institutions étatiques semblent fonctionner suivant le schéma démocratique, des engagements forts sont pris contre la corruption, contre la pauvreté...Entretemps, des présidents modifient des constitutions et s'autorisent un nombre infini de mandats, une seule personne contrôle tous les pouvoirs, les parlements deviennent des chambres d’enregistrement, la justice ne sait pas s’émanciper de l’exécutif, la carte d'affiliation au parti au pouvoir vaut plus que la carte nationale d'identité, la peur règne dans les cœurs, les journalistes et les activistes de droits de l'homme se font emprisonner ou assassiner, les manifestations de rue sont quasi-interdites, les richesses publiques sont dilapidées et partagées entre quelques familles proches du pouvoir, la vie devient chère et la pauvreté s'accroît chaque jour, etc. Pour moi cette démocratie-là est pervertie. Et dans ces conditions, on ne peut que s'attendre à des ébullitions. Je ne saurais dire à quel moment cela va arriver, mais les dirigeants de l'Afrique noire gagneraient à ouvrir davantage l'espace du débat public et à renforcer la participation de leurs citoyens. Dans les années 40-50, le mouvement indépendantiste a commencé en Asie avant d'atteindre l'Afrique, puis à la fin des années 80 celui de la "démocratisation" a frappé l'Europe de l'Est avant de toucher l'Afrique...Je crains que le "printemps arabe" précède un "printemps africain" qui risque d'être plus brutal si les dirigeants ne tirent pas les leçons à temps.
Jean-Marie Ntahimpera : Il y a une année jour pour jour que les élections étaient organisées au Burundi, mais qui ont vite été boycottées par les partis de l’opposition. Une crise politique s’en est suivie et la menace d’une nouvelle guerre plane sur le Burundi. Quelle lecture vous faites de la situation politique actuelle, et quelle pourrait être la voie de sortie de cette crise?
Pacifique Nininahazwe : Nous avons beaucoup regretté ce qui nous est arrivé l'année dernière. Tant d'espoirs ont été dilapidés en si peu de temps. Je ne voudrais pas me mettre à commenter les positions prises par les uns et les autres ou les événements de l'époque. Comme on ne refait pas le passé, ce qui est plus important aujourd'hui est de gérer la crise que nous traversons. Le minimum de stabilité que nous connaissons depuis quelques années est le résultat de l'équilibre forgé par les accords d'Arusha du 28 août 2000. Un équilibre politico ethnique dans nos institutions. Le long conflit burundais aura démontré que chaque fois que nous aurons des institutions qui ne rassurent pas une partie importante de la population, le risque d'un conflit armé est élevé. Les mêmes causes créant les mêmes effets, tout dirigeant du Burundi qui sera confronté à une telle situation devra agir vite, par le dialogue, pour trouver des solutions. Le retrait de l'opposition des dernières élections a rompu l'équilibre politique né d'Arusha. L'aspect ethnique est probablement préservé, mais un peu plus de 30% de la population, selon les voix exprimées aux communales pourraient ne pas se reconnaître dans les institutions actuelles. Et l'effort de les rassurer n'a pas suivi. Plutôt des gens ont été emprisonnés (certains rapports parlent de torture), d'autres continuent à se faire assassiner. Des familles entières dorment la peur au ventre, la peur de mourir sur base des convictions politiques. Les institutions se taisent parfois, la police et les services de renseignement sont parfois pointés du doigt. Des combines pour casser certains partis se font au grand jour, et une loi controversée sur les partis politiques est initiée. Il me semble qu'aucune leçon n'a été tirée d'Arusha et que certains continuent de penser que la force suffit pour régler les différends et soumettre les adversaires. Pour moi, il n'y aucune autre voie de sortie de cette crise que par la voie du dialogue franc et apaisé. Et le génie du pouvoir actuel sera d'arriver à trouver des mécanismes pour rassurer tous les burundais.
Jean-Marie Ntahimpera : Maintenant une question concernant votre parcours personnel. Ceux qui vous ont côtoyé dans votre enfance disent que vous étiez abonné au journal Ndongozi depuis la 2eme primaire, que vous avez appris les noms de tous les présidents africains avant d’entamer l’école primaire, que vous saviez par cœur les capitales des pays africains avant que VOUS commenciez l’école maternelle. On dirait que depuis votre enfance vous étiez appelé à devenir Elite. Qu’est-ce que vous vouliez devenir dans votre enfance? Quels sont les évènements qui vous ont le plus marqué dans votre vie? Quels sont vos maîtres à penser?
Pacifique Nininahazwe : Il m'est très difficile de parler de moi-même. Dans mon enfance, je devais faire le résumé de l'actualité à mon père quand il rentrait le soir. S'il y avait un coup d'État quelque part dans le monde, je devais retenir le nom du nouveau président pour rendre compte le soir... C'est vrai en deuxième primaire, je recevais chaque numéro des journaux Ubumwe et Indarangavye (c'était un mensuel du parti unique UPRONA). C'est probablement de cette époque et de ces habitudes que m'est venu l'intérêt que je porte à la chose publique. Je me souviens aussi que j'ai souvent questionné mon père sur le héros de l'indépendance du Burundi, le Prince Louis RWAGASORE assassiné peu après la victoire de son parti en 1961. Plus tard, même aujourd'hui, j'ai toujours été impressionné par le courage et la détermination de ceux qui ont défendu l'honneur de leurs pays, parfois au prix de leur vie. En 1987, alors que je n'avais que 11 ans, j'ai été particulièrement touché par l'assassinat du Capitaine Thomas SANKARA au Burkina Faso. J'ai dévoré, dans mon adolescence, tout ce qui avait été écrit sur Sankara, Mandela, Martin Luther King, Gandhi et Lumumba. C'est regrettable que plus tard, du fait des responsabilités, on a rarement du temps pour lire. Je ne sais pas si j'ai des maîtres à penser aujourd'hui, mais je reste notamment impressionné par la dimension de l'action et de la personnalité de Nelson Mandela. Je relis souvent les discours de Martin Luther King et je passe rarement à côté d'une biographie d'Abraham Lincoln ou de Gandhi sans les acheter. Enfin je vais vous surprendre, je ne peux pas rater un film sur Hitler et Mobutu. Non pas que ces derniers soient une quelque source d'inspiration pour moi, mais plutôt que cela m'apprend à rester humble.
Jean-Marie Ntahimpera : Merci de nous avoir consacré une partie de votre temps. Nous apprécions énormément le travail que vous faites. Et nous vous souhaitons bonne chance et courage dans votre combat pour la dignité de nos concitoyens.
Pacifique Nininahazwe: Moi aussi je vous remercie.
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