Le rapport sur l’incendie du marché central de Bujumbura pose plus de questions qu’il n’en résoud




Pacifique Nininahazwe est Délégué général duForum pour le renforcement de la Société civile (FORSC)
Pacifique Nininahazwe est Délégué général du
Forum pour le renforcement de la Société civile (FORSC)
Je salue avant tout que la commission a terminé son travail dans les délais et que son rapport a été rendu public. On est loin du perpétuel TURACATOHOZA…Je me réjouis également que la commission a tenté de répondre à un certain nombre de rumeurs qui circulaient (notamment celle qui affirmait que les épouses de certaiens généraux auraient vidé leurs stands un jour avant l’incendie).
Mais des questions restent posées:
1. Une commission chargée d’enquêter sur l’incendie du marché s’est davantage focalisée sur la gestion du marché. Elle a arrêté un certain nombre de personnalités pour gestion frauduleuse mais n’a pas touché ceux qui n’ont pas intervenu à temps tout en concluant que « si l’intervention avait été faite dans les meilleurs délais, l’incendie n’aurait pas dépassé les limites du stand où le feu a commencé ».
2. Le rapport ne dit pas pourquoi le seul camion anti-incendie en bon état (tous les autres attendaient réparation!) et disponible en Mairie de Bujumbura n’a pas pu intervenir à temps pour éteindre le stand de Védaste Gasangwa. S’il avait été déplacé au poste du BSR pour répondre aux demandes de secours, pourquoi n’a-t-il intervenu que lorsque l’incendie avait pris une ampleur qui ne pouvait plus être maitrisée (entre une heure et deux heures après le début de l’incendie)? Le poste du BSR se trouvait pourtant à moins de 10 minutes du marché. Un article du journal Iwacu a laissé entendre que le camion se trouvait chez « un grand général » à Gasekebuye pour remplir ses tanks d’eau, sa piscine et arroser ses jardins! Est-ce vrai? Si c’est vrai, quelle est la responsabilité du général et des patrons de la police anti-incendie?
3. La commission ne s’est pas intéressée à certaines coïncidences troublantes. « Un peu avant l’incendie (…), le Maire de la Ville de Bujumbura avait mis sur pied une commission d’enquête relative à la gestion de la SOGEMAC » (p.4 du rapport); ‘le comptage (des stands) avait été fait le samedi à la veille de l’incendie lors des travaux communautaires » (p.2 du rapport); le lendemain de l’incendie le Ministre de la Sécurité aurait parlé des plans d’un nouveau marché tandisque toutes les autorités parlaient dès le jour de l’incendie de l’installation d’un marché provisoire sur la place dite COTEBU et non de la réhabilitation du marché central. Des questions se posent alors: la veille de l’incendie, on compte les stands du marché, quelque temps avant l’incendie on enquête sur la gestion du marché et la commission chargée d’enquêter sur l’incendie se penche particulièrement sur la gestion du marché! La commission conclut que le retard de l’intervention de la police anti-incendie a entrainé la propagation du feu dans tout le marché mais arrête les auteurs d’une gestion frauduleuse! Les plans d’un nouveau marché existaient-ils déjà un jour après l’incendie? La commission aurait dû répondre à cette question aussi.
4. La Commission réfute complètement la rumeur sur une poudre inflammable qui aurait accéléré la propagation de l’incendie avec des arguments scientifiques. Pourtant la même rumeur parle d’un patron pakistanais de l’horlogerie TRONICA qui aurait été assasiné dans son magasin sur l’avenue de la mission parce qu’il aurait eu des informations sur le fameux poudre! Comme on est dans le registre des rumeurs et que la commission a décidé de s’y pencher (ce qui est une bonne chose à mon avis), il aurait été intéressant que la commission enquête également sur cet assassinat!
5. La commission semble très affirmative sur l’origine de l’incendie par l’explosion de la batterie conservée dans le stand de Védaste Gasangwa. En sachant que le stand était fermé, que personne n’a vu l’origine précis de la fumée, qui peut affirmer qu’il n’y avait que la batterie dans ce stand? Il serait intéressant de joindre au rapport de la Commission celui des experts français. dans une situation aussi dramatique que celle-ci une seule expertise ne suffit pas pour être aussi affirmative. Une contre-expertise ne serait pas de trop à mon avis.
6. Il aurait enfin été intéressant de mentionner dans le rapport la liste de toutes les personnes arrêtées dans le cadre de cette enquête et des charges qui pèsent sur elles. On a l’habitude de voir ce genre de commissions arrêter abusivement des gens qui restent des années en prison avant d’être blanchies par un juge ou d’être relaxés lorsque l’attention du public diminue sur une affaire.
En terminant, je voudrais clarifier une chose: je ne suis pas contre la poursuite de ceux qui se seraient rendus coupables de gestion frauduleuse du marché central de Bujumbura. Je suis simplement surpris qu’ils soient poursuivis par une commission chargée d’enquêter sur l’incendie du marché sans établir un lien direct entre la gestion frauduleuse et l’incendie. Ils devraient être poursuivis par la Brigade Anti-Corruption et le Parquet Général près la Cour Anti-Corruption. Avait-on besoin d’un coup médiatique en arrêtant une personnalité bien décriée par l’opinion publique.
Enfin j’ai de plus en plus l’impression qu’il y a un schéma bien rôdé à suivre depuis quelque temps dans les enquêtes sur les dossiers sensibles (Manirumva, Gatumba, exécutions extra-judiciaires). On nomme une commission d’enquête mélangeant officiers de police judiciaire et magistrats relevant de niveaux de juridictions diversifiés ( il importe de rappeler ici que le code de procédure pénale ne prévoit pas de telles commissions), on arrête quelques petits poissons, parfois on apprend l’assassinat de quelqu’un qui en saurait quelque chose sans que des enquêtes suivent, on évite de toucher aux personnalités sur qui pèsent des soupçons, puis on arrête une personne bien connue qui pourrait satisfaire l’opinion, enfin le procureur général de la république organise une conférence de presse pour clôturer les enquêtes. Et le tribunal ne va jamais au-delà des conclusions de la Commission. Après, la société civile peut crier, les media peuvent organiser des débats, rien n’y fait: les chiens aboient, la caravane passe

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