Déclaration du FOCODE suite à l'expulsion de la famille Justin NYAKABETO par la CNTB le 28 Mai 2013 à Ngagara
DECLARATION
DU FOCODE SUITE A L’INCIDENT LIE A L’EXPULSION MANU MILITARI
DE
LA FAMILLE DE MONSIEUR JUSTIN NYAKABETO PAR LA CNTB DE SA PROPRIETE
QUI
S’EST PRODUIT AU QUARTIER 5 DE LA COMMUNE NGAGARA EN DATE DU 28 MAI 2013.
« Le Gouvernement
du Burundi doit garantir que la CNTB ne dévie pas
de sa mission initiale de
réconciliation des burundais »
Le
Burundi est un pays indépendant depuis le 1er juillet 1962. Après
son accession à l’indépendance, il a été caractérisé par des troubles sociaux
cycliques liés à des causes politiques avec des dimensions d’ordre ethnique
très prononcées, cette conclusion a été tirée par les négociateurs de l’Accord
d’Arusha pour la Paix et de Réconciliation signé le 28 août 2000 sous les
auspices de la communauté internationale.
Le même Accord d’Arusha a prévu, entre autres
mécanismes et moyens d’en finir avec les crises cycliques du passé, des
mécanismes de justice transitionnelle pour aider le Burundi à sortir du
bourbier de tueries fratricides.
La question des terres et autres biens avait été
également analysée dans toutes ses dimensions à travers l’Accord d’Arusha qui,
dans le Protocole IV « Reconstruction et Développement », pose des
solutions de principe quant à la gestion de cette problématique.
Entre
autres mécanismes proposés par l’Accord d’ARUSHA, le premier chapitre du Protocole IV en son
article 8 atteste ce qui suit :
-
Le
droit à la propriété est garanti pour tous, hommes, femmes et enfants. Une
indemnisation juste et équitable en fonction des circonstances est versée en
cas d’expropriation, laquelle n’est autorisée que dans l’intérêt de la collectivité
et conformément à la loi, qui fixe également le mode d’indemnisation.
Ce
principe fondamental a été repris par la Constitution de la République du
Burundi en son article 36 quant il dispose que « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité
publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une
juste et préalable indemnité ou en exécution d’une décision judiciaire coulée
en force de chose jugée » ;
-
Tout
réfugié et/ou sinistré doit pouvoir récupérer ses biens, notamment sa terre et
si une récupération s’avère impossible, chaque ayant droit doit recevoir une
juste compensation et/ou indemnisation;
L’article 9 du même Protocole préconisait quant à
lui la création d’un Fonds national des
sinistrés qui serait alimenté
« par le budget national et par des dons d’organismes de coopération
bilatérale et multilatérale ou par des aides d’organisations non
gouvernementales ».
Nous
notons avec regret que la Commission Nationale Terres et autres Biens (CNTB) a été
mise en place avant que le Fonds susvisé ne soit créé et les conséquences qui
en découlent ne cessent de plomber certains efforts de la Commission sur le
chemin de la réconciliation des Burundais, tout comme il aurait été plus
logique de mettre en place la CNTB après la recherche de la vérité à travers les
mécanismes de justice transitionnelle, en l’occurrence la Commission Vérité et
Réconciliation.
A
l’heure actuelle, au lieu de préserver les acquis sur le chemin vers la
démocratie et la réconciliation nationale, la
démarche de la CNTB, privilégiant les seuls intérêts des rapatriés en
ignorant ceux des acquéreurs de bonne foi, semble s’écarter de sa mission
principale tracée à l’article 8 point k du Protocole IV de l’Accord d’Arusha
qui stipule que « Elle doit toujours rester
consciente du fait que l’objectif est non seulement la restitution de leurs
biens aux rapatriés, mais aussi la réconciliation entre les groupes ainsi que
la paix dans le pays. »
Ainsi, tenant compte des considérations ci-dessus et
à la suite de la récente expulsion de la famille Justin NYAKABETO, le Forum
pour la Conscience et le Développement (FO.CO.DE) :
1. Condamne
l’usage de la force dans la mise en exécution des décisions de la CNTB et se
trouve fortement préoccupée par la méfiance et les tensions communautaires nées
des décisions d’une commission censée réconcilier ;
2. Réaffirme
son attachement premier au principe de la restitution des terres et autres
biens aux ayant-droits dans le respect des principes édictés au niveau de
l’Accord d’Arusha et au niveau international (Principes Pinheiro) ;
3. Constate
que l’expulsion de la famille NYAKABETO est en contradiction avec l’article 36
de la Constitution de la République du Burundi qui stipule que « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour
cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et
moyennant une juste et préalable indemnité ou en exécution d’une décision
judiciaire coulée en force de chose jugée » ;
4. Constate
que l’expulsion de la famille NYAKABETO est également en contradiction avec les
principes internationaux en la matière qui tendent à éviter de résoudre les cas
de déplacements par de nouveaux déplacements des familles, et qui conditionnent
la restitution des terres par un jugement et une indemnisation préalables ;
5. Craint
que la solution utilisée par l’expulsion de la famille NYAKABETO ne résout même
pas la situation de la famille
« réhabilitée » compte tenu du contexte de tension dans son quartier ;
6. Interpelle
tous les décideurs politiques, plus particulièrement le Président de la
République à se pencher sans faux fuyant sur la problématique liée au travail
de la CNTB ;
7. Interpelle
les Pouvoirs publics de continuer à être au service de toute la population et
de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’unité nationale et la
sécurité des citoyens ;
8. Demande
aux Forces de défense et de sécurité de faire preuve de professionnalisme afin d’assurer
la pleine sécurité de tous les habitants du Burundi ;
9. Demande
à tous ceux qui sont victimes ou lésés par les décisions de la CNTB de toujours
capitaliser les voies de la non violence et de la justice, en privilégiant la
force de la loi en lieu et place de la loi de la force;
10. Demande
à la jeunesse burundaise d’éviter de tomber dans le piège du discours ethnique
que lui tendent certains politiciens qui veulent camoufler leur incapacité à
répondre aux défis du moment ;
11. Recommande
l’amendement de la loi régissant la CNTB afin de la conformer à la Constitution
du Burundi ;
12. Recommande
à la CNTB d’éviter toute démarche qui s’apparenterait à la revanche d’une
ethnie sur une autre en privilégiant des solutions gagnant-gagnant ;
13.
Recommande de reconsidérer la position de la CNTB
sur les acquéreurs de bonne foi. La restitution n’est pas toujours une solution
juste, l’indemnisation juste et équitable peut parfois mieux réparer les
torts ;
14. Demande
enfin que les activités de la CNTB soit suspendue momentanément pendant cette
période où son travail est non seulement contesté mais aussi est à l’origine
des tensions communautaires, le temps d’une réflexion sur les correctifs à
apporter à son fonctionnement.
Fait à Bujumbura, le 30 Mai 2013
Sé le
Président du FOCODE
Pacifique NININAHAZWE
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