Discours de l’Ambassadeur de France au Burundi à l’occasion de la réception du 14 juillet 2009

L'Ambassadeur de France au Burundi, Monsieur Joël LOUVET a prononcé un discours très remarqué lors de la réception qu'il a organisée à sa résidence à l'occasion de la célébration de la fête nationale française। Trouvez-leci dessous dans son intégralité.

Discours de l’Ambassadeur de France au Burundi à l’occasion de la réception du 14 juillet २००९

Monsieur le Premier Vice-Président de la République,
Honorables parlementaires,
Messieurs les anciens présidents de la République
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Représentant exécutif du Secrétaire général des Nations Unies,
Monsieur le Doyen du Corps Diplomatique,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et chers collègues,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Mesdames et Messieurs les représentants des Organisations non gouvernementales,
Mesdames et Messieurs les membres de la société civile,
Mesdames, Messieurs mes compatriotes,
Et, pour résumer et clore cette liste protocolaire, plus simplement : chers amis !

Comme vous le savez, le début du mois de juillet est toujours pour moi un moment particulier : bien que ces dates n’aient bien évidemment pas la même portée historique, j’y fête en effet successivement l’anniversaire de mon arrivée au Burundi le 12 juillet 2006, mon Saint Calendaire le 13 juillet, et la prise de la Bastille le 14… Prise de la Bastille, dont je rappelle ici qu’elle marqua, en 1789, le passage d’une révolution parlementaire à une révolution populaire : la concentration par le roi Louis XVI de régiments suisses et allemands autour de Versailles et de Paris ayant en effet été interprétée, pour reprendre les termes enflammés de Camille Desmoulins,comme le « tocsin d’une Saint Barthélémy des patriotes », la milice et la foule furent armées et la prison d’Etat de la Bastille, symbole de l’arbitraire de l’Ancien Régime, assiégée, prise, et détruite par le peuple। Le Gouverneur Jourdan de Launay, la garnison et, pour faire bonne mesure, le Prévôt des Marchands, Monsieur Flesselles, furent prestement expédiés ad patres… Ce 14 juillet, qui est la Fête Nationale de la France depuis 1880, marqua ainsi le début de l’extension de la Révolution française à toute les grandes villes du Royaume…: Bien que les hasards de la colonisation aient épargné à la plupart d’entre vous les leçons sur « Nos Ancêtres les Gaulois », je ne vous ferai pas l’injure de vous conter la suite de l’Histoire : j’ai pu, depuis trois ans, apprécier à sa juste valeur la Francophonie profonde des burundais et je sais donc que vous la connaissez !

Trois ans, disais-je, au Burundi… « Wamaz’iki ? », demandent, me dit-on, les burundais en pareille circonstance… Même si l’heure n’est pas encore tout à fait au bilan définitif, « qu’ai-je fait de bon ou de moins bon », donc ???

L’Union Européenne semblant, tel notre univers depuis le Big Bang, saisie d’un irrépressible mouvement d’expansion permanente – nous en sommes déjà à ce jour à 27 Etats Membres - , j’ai tout d’abord, au titre de la Présidence locale de l’Union au Burundi, successivement revêtu la Primorska Slovène, puis le Podstock tchèque –qui est, comme chacun sait, un chapeau haut-de-forme en poils de cochon - , avant de retrouver le 1er juillet, en transmettant pour 18 mois le flambeau de la Présidence à notre Ami son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de Belgique, les plus familières braies gauloises dont je parlais il y a quelques instants à peine… C’est sous ces différentes couleurs et costumes que j’ai donc eu l’honneur de représenter l’Union dans le cadre du processus de Paix au Burundi et, en particulier, au sein du Directoire Politique placé auprès de la Facilitation sud africaine। Au delà des propos de circonstances, j’ai pu y mesurer l’estime et la confiance dont jouit l’Europe dans cette région. Certes si, comme vous aimez à le dire Monsieur le Premier Vice-Président de la République, « la guerre est terminée au Burundi », c’est bien évidemment avant toute chose aux burundais eux-mêmes que le mérite en revient. Si j’ai plaisir ce soir à accueillir Monsieur le Directeur Général de l’INSS, Monsieur le Conseiller militaire à la Présidence de la République, mon voisin à l’Office du Thé, ou Monsieur mon collègue à l’Ambassade du Burundi à New Delhi,c’est bien parce que vous, burundais, avez conjointement souhaité qu’il en fût ainsi. Mais c’est aussi, je crois, parce que vous saviez pouvoir compter sur l’Initiative régionale, l’Afrique du Sud, l’Union africaine, le Binub et l’Union européenne. Cette dernière aura montré en la circonstance réactivité et générosité : avec la Suisse, la Commission européenne et la France furent ainsi les premiers à répondre à l’appel du Burundi pour l’approvisionnement des combattants, au travers d’un programme mis en oeuvre par la GTZ allemande. La Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, et l’Allemagne encore, ont apporté, sans jamais barguigner, leur concours, qui à la Facilitation, qui au camp de Rubira… Mes collègues européens et moi-même sommes, sachez-le, non seulement heureux mais fiers d’avoir apporté notre contribution à la réalisation d’un processus de Paix qui est à inscrire à l’actif du Burundi et qui reste un modèle et un exemple dans une région encore trop souvent en proie aux troubles et aux doutes.

Mais voilà, me dit-on, qu’à peine éteint le fracas des trompettes guerrières, résonnerait déjà le murmure inquiétant des tambours électoraux !!!

Le Burundi, il est vrai, connaîtra en 2010 des échéances politiques majeures avec la tenue, en quelques mois, de pas moins de 6 scrutins, dont celui, particulièrement emblématique, de l’élection du Président de la République au suffrage universel। Faut-il pour autant s’en inquiéter…, alors même que nous savons tous à quoi tient une bonne élection. Comme pour un bon plat, il y faut un Chef : vous en avez un, en la personne de notre ami Pierre Claver, Président de la CENI, et c’est, dans son domaine, « un cordon bleu »… Il y faut des seconds: ils sont là et leur nomination a été unanimement saluée tant par les partis politiques que par la société civile… Il y faut également quelques ustensiles et quelques marmites - quelques grosses et coûteuses marmites d’ailleurs, si j’en juge au projet de budget récemment soumis par la CENI aux partenaires internationaux et au Gouvernement - … mais je suis persuadé à cet égard que la communauté internationale, qui a toujours été aux côtés du Burundi, aura bien évidemment une fois encore à coeur d’apporter une contribution financière et logistique significatives au processus électoral à venir. Ne reste donc que la Recette !!! Or, là aussi, nous la connaissons : ne sont contestées que les élections contestables, c’est-à-dire dont le déroulement ou les résultats laissent planer un doute sur la transparence et l’équitédu scrutin. Certes, la défaite peut être amère, mais cette brève amertume est aisément surmontée lorsque les règles du jeu ont été respectées et que le Peuple s’est librement exprimé. La même amertume par contre peut grandir si les perdants ont le sentiment d’avoir été injustement floués : une CENI forte et indépendante, une répartition équitable de l’accès aux médias, la possibilité pour ces derniers de se faire librement l’écho des opinions, fussent-elles iconoclastes, de tous les candidats et de tous les programmes, une organisation harmonieuse du ou des scrutins, l’absence d’intimidation des votants, l’honnêteté des scrutateurs et bien évidemment la fiabilité absolue de la comptabilisation et de la transmission des résultats sont à cet égard des éléments auxquels les Etats membre de l’Union Européenne et la Commission apporteront une attention toute particulière. Nous avons en effet la ferme conviction que les élections de 2010 doivent être pour tous la confirmation que le Burundi est définitivement sorti de l’ère des conflits pour entrer résolument - dans le cadre de règles du jeu définies conjointement par tous les participants dans un esprit permanent de dialogue et de concertation - dans l’ère d’une compétition pacifique et démocratique des hommes et des idées.

Processus de Paix, processus électoral, voilà, me direz-vous, bien des processus … mais qu’avez-vous fait d’autre ? Permettez-moi de vous rassurer : bien qu’elle soit à l’heure actuelle, une fois de plus…, en pleine mutation, la coopération française au Burundi est restée particulièrement active au cours de l’année écoulée, fidèle aux grandes lignes définies dans le Document Cadre de Partenariat (DCP en abrégés) signé à Paris en novembre 2006 à l’occasion de la visite officielle en France de Son Excellence le Président Pierre Nkurunziza। Chef de file des partenaires techniques et financiers du secteur Education, la France a ainsi apporté une contribution particulièrement significative de 10 millions d’euros au Fond Commun Education qui nous unit aux autorités burundaises à la Belgique, à la Grande-Bretagne et au Luxembourg. Madame Rama Yade a pour sa part inauguré les nouveaux locaux de l’Association Nationale des Séropositifs et Sidéens, et signé une convention pour la construction d’un nouveau centre Seruka de soutien aux victimes, encore trop nombreuses, de violences sexuelles. Monsieur Bernard Laporte avait quant à lui inauguré avec le Chef de l’Etat, dans le cadre de la réunion ministérielle de la Confejes, la piscine rénovée du Campus Kiriri. J’ai enfin moi-mêmeeu l’honneur, au cours des derniers mois, d’inaugurer avec Son Excellence le Président de la République le Jardin Public de Rohero et de poser avec lui la première pierre du futur Institut de Police de Bubanza. Sans parler des très nombreuses activités culturelles et francophones menées séparément ou conjointement par le Centre Culturel Français de Bujumbura et le projet Célec d’appui à la Francophonie.

Mais, comme j’ai eu souvent l’occasion de le dire, l’Etat, qu’il s’agisse de l’Etat burundais ou de l’Etat français, ne peut, et d’ailleurs ne doit pas, tout faire !!!

Je suis donc particulièrement heureux aussi, au-delà des programmes de coopération bilatérale que j’évoquais il y a quelques instants, d’avoir été au cours des derniers mois le témoin du développement spectaculaire, sur fonds européens ou d’autres institutions internationales, des activités de la société française Sogea-Satom, filiale du groupe Vinci. Pas seulement par fierté cocardière, mais aussi parce que c’est le signe, qui ne trompe pas, que les choses changent en profondeur au Burundi et que les grands projets d’infrastructures, absolument indispensables au développement du pays, retrouvent progressivement droit de cité. A l’heure où le Burundi avance à marche forcée dans l’East African Community, il est rassurant de voir que le secteur privé, qu’il s’agisse des routes, des télécommunications, du tourisme ou d’autres domaines encore, reconquiert peu à peu son dynamisme et ses parts de marché. L’intégration régionale, et c’est un européen qui la vit au quotidien depuis des décennies qui vous parle, est en effet à la fois une épreuve et un stimulant. A cet égard, j’ai certes noté avec plaisir que le Programme Indicatif Régional de la Commission européenne mobiliserait prochainement plusieurs millions d’euros pour aider le Burundi à compenser les pertes temporaires de recettes que provoquera la nouvelle Union Douanière et le nouveau tarif extérieur commun . Mais la compensation n’a qu’un temps et le moment viendra un jour, et probablement rapidement, où le Burundi devra affronter davantage de compétition économique. Il doit donc, sans attendre, s’y préparer. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour souligner que la question de la coopération régionale constituera un des principaux centres d’intérêt et d’activité de Monsieur l’Ambassadeur Christian Connan, récemment nommé par Monsieur Bernard Kouchner en tant que « Représentant Spécial pour la Coopération dans la Région des Grands Lacs ». जे ne doute pas, et il me l’a d’ailleurs déjà confirmé, que le Burundi sera une de ses premières étapes dans la Région dans les mois qui viennent.

Je ne saurais enfin conclure mon propos sans bien évidemment évoquer les Droits de l’Homme, quand bien même la fonction ministérielle afférente a récemment disparu de l’organigramme ministériel français… Ce n’est pas là, soyez rassurés, signe de désintérêt pour ce sujet de la part d’un pays qui s’enorgueillit d’avoir été, le 26 août 1789, soit quelques semaines à peine après la Prise de la Bastille que nous célébrons ce soir, à l’origine d’une Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen directement inspirée de la philosophie des Lumières et novatrice par son exigence de rationalité et d’universalité. L’Union européenne, elle encore, s’est plusieurs fois exprimée sur cette question au cours des mois écoulés par des Déclarations que vous avez tous en mémoire. Parfois pour se féliciter des évolutions incontestablement positives enregistrées en ce domaine par le Burundi, parfois pour s’interroger sur des épisodes qui ne nous paraissaient pas totalement correspondre aux grands principes, gravés dans le marbre des Accords de Cotonou, qui régissent le partenariat confiant existant entre votre pays et les nôtres. Je me réjouis, à cet égard, d’avoir pu accueillir ce soir à la Résidence de France Messieurs Kavumbagu et Rududura, de même que je m’étais réjouis précédemment de l’enregistrement du MSD ou de l’ADER. « La liberté d’expression est en effet au carrefour de tous les Droits de l’Homme » !!! Elle est intimement liée à la liberté de conscience et de convictions, inhérente à la dignité individuelle mais également à la liberté d’opinion et d’information. L’intolérance ne peut qu’attiser les passions, souvent mauvaises conseillères… Que la société civile burundaise et les organisations non gouvernementales, durement éprouvées récemment par l’assassinat odieux du Vice-Président de l’Olucome, soient donc assurées qu’elles trouveront toujours auprès de l’Union et des ses Etats membres une oreille attentive à leurs préoccupations.

« Wamaz’iki ? » … J’ai, à l’évidence, été trop long mais, comme le disait l’essayiste et romancier français Maurice Blanchot, « la réponse est le malheur de la question » … Je ne saurais toutefois terminer mon propos sans रेमेर्सिएर chaleureusement tous ceux qui ont bien voulu contribuer à l’organisation de cette réception et je l’espère, mais c’est à vous d’en juger, à sa réussite. Je pense notamment au Centre Culturel Français pour la lumière et le son, à l’entreprise Bruno Frigo pour les installations électriques, à Déco Verte pour la décoration florale, à l’entreprise Dream Events pour ses charmantes hôtesses d’accueil, sans oublier le Docteur Zaki, du Centre Médico-Social, pour ses soins attentifs et constants à un Ambassadeur vieillissant….

Mes remerciements vont également à tous ceux qui ont bien voulu depuis hier, soucieux des vertèbres des messieurs et des talons aiguilles des dames, entreprendre quelques travaux d’urgence sur une avenue Beau Site que même les piétons et les vélocipèdes hésitaient auparavant à emprunter…

Permettez-moi enfin avant que nous levions nos verres, de demander à Madame Uwinyota Riziki, qui nous a fait l’honneur de chanter nos hymnes nationaux respectifs, d’interpréter une dernière chanson dédiée aux difficultés que vivent quotidiennement les handicapés, et qui nous rappelle, plus généralement, que les différences entre les individus, qu’elles soient politiques, ethniques, raciales, religieuses ou autres…, ne doivent pas conduire au rejet ou à l’indifférence mais au contraire à un effort supplémentaire de compréhension et de compassion.

Riziki, la conclusion vous revient en chanson…

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