Sire, pardonnez-nous et rentrez chez vous
Source : iwacu-burundi.org, 22 juin २००९
La tombe du roi Mwambutsa se trouve à Meyrin dans la banlieue de Genève। Le monarque, dont les deux fils ont été assassinés au Burundi, avait demandé à être enterré en Suisse. Colette, sa fille souhaite respecter les dernières volontés de son père : le garder ici, à moins que le peuple burundais ne demande le retour au pays de la dépouille royale.
A Genève, Antoine KABURAHE
Cimetière de Feuillasse à Meyrin, une commune de Genève। De belles tombes impeccablement alignées, fleuries. Le calme des lieux est troublé presque chaque minute par un avion qui décolle de l’aéroport international de Genève tout proche. Mwambutsa IV, le roi du Burundi repose, semble-t-il, dans ce cimetière. Mais où ? Il ya une centaine de tombes. Peut-être plus. A travers les allées, la recherche s’annonce longue, difficile. Troublante. Une allée. Une autre. La tombe du roi est-elle encore là ? Le règlement qui régit les concessions dans les cimetières est catégorique : « La durée légale d’une tombe est de vingt ans au terme desquels la commune peut la désaffecter. » Le calcul est vite fait. Mwambutsa IV repose dans ce cimetière depuis 1977. Trente deux ans donc. A-t-on payé les frais ? Un doute atroce.
Un avion de Swissair indifférent s’envole au dessus du cimetière campagnard dans un bruit assourdissant। Rien, pas de stèle de « Mwambutsa IV ». Il fait chaud sur Genève. Puis, dans le silence, le bruit d’un petit tracteur. C’est le gardien du cimetière qui s’occupe aussi de l’entretien des tombes. Gentiment, l’homme s’arrête et descend de son engin. « Ah ! Vous cherchez la tombe du roi ? Mais elle est là, en contrebas, juste derrière. » De bonne grâce, il s’en va montrer la sépulture.
Quel soulagement। Une belle tombe, une stèle de marbre est là. Une simple inscription. « Le roi Mwambutsa IV, 1912-1977. » Roi de quel pays ? Ce n’est pas indiqué. Mais quel soulagement de voir la tombe numéro 180. Belle. Fleurie. Le gardien du cimetière connaît son histoire. Il en parle avec un certain respect. Mais qui paie et entretien la tombe ? Le gardien, bon professionnel, sort son portable, et donne le numéro de la tombe. Efficacité suisse, trois minutes après, toutes les infos tombent. Il faut contacter une certaine Colette Uwimana. « Pour la concession, jusqu’en 2017 tout est OK » précise le gardien. Et après ? « Après la place revient à la Commune, on peut alors y inhumer d’autres corps » conclut le gardien. Puis, se ravisant un peu, il nuance : « je pense que même si la concession n’était pas payée la Commune traiterait avec respect cette tombe. C’est un roi tout de même ». Des paroles réconfortantes de la part d’une personne qui ne connaît même pas le Burundi.
Les dernières paroles du roi
Un coup de fil. Colette Uwimana veut bien nous rencontrer. C’est est une belle grande dame de soixante ans, altière, au sourire franc. « Oui, c’est moi qui m’occupe de la tombe de mon père. » Elle vit dans un joli appartement à Meyrin, dans la banlieue de Genève.Sur les murs du salon, une grande photo de sa maman, la reine-mère Thérèse Kanyonga, première épouse du roi Mwambutsa. Une autre photo toute aussi imposante de sa majesté, entouré de ses deux fils assassiné, les princes Charles et Louis. Le lieu est chargé d’histoire.
Fonctionnaire de l’ONU à Genève, Colette Uwimana parle de son père Mwambutsa IV avec tendresse et respect। « Un homme doux, généreux, éprouvé par la vie ». Mwambutsa IV est mort en exil, affecté par l’assassinat de ses deux fils Louis (1961) et Charles (1972). Mais par pudeur, Colette qui ne veut pas qu’on lui donne son titre de « Princesse », n’est pas très prolixe sur les derniers jours du roi qui faisait lui-même ses courses. « Il vivait modestement tout près d’ici, à Meyrin, il était très triste » se contente-t-elle de dire, ses beaux yeux traversés par un nuage de chagrin.
Fonctionnaire de l’ONU à Genève, Colette Uwimana parle de son père Mwambutsa IV avec tendresse et respect। « Un homme doux, généreux, éprouvé par la vie ». Mwambutsa IV est mort en exil, affecté par l’assassinat de ses deux fils Louis (1961) et Charles (1972). Mais par pudeur, Colette qui ne veut pas qu’on lui donne son titre de « Princesse », n’est pas très prolixe sur les derniers jours du roi qui faisait lui-même ses courses. « Il vivait modestement tout près d’ici, à Meyrin, il était très triste » se contente-t-elle de dire, ses beaux yeux traversés par un nuage de chagrin.
A ses côtés, son mari, guinéen mais fin connaisseur de l’histoire royale burundaise lui serre la main. « Le roi ne s’est jamais remis du choc de la mort de ses fils et de toutes les tragédies qui ont frappé son pays » , raconte Bob. Le mari de Colette se rappelle bien du monarque, qui, malgré l’adversité, est toujours resté « propre et élégant, les chaussures bien cirées. »
« Seriez-vous prête à ce que la dépouille de votre père soit rapatriée au Burundi pour y être inhumée avec honneur ? » Colette, grave, donne une réponse digne : "Ecoutez, je vais vous dire les dernières paroles de mon père। Après ce qui lui était arrivé, il en voulait aux Burundais. Il est mort en colère, il a exprimé son désir d’être inhumé en Suisse. Il ne voulait plus retourner au Burundi. Même mort. Voilà ce que furent ses dernières paroles." La fille du roi prend une profonde inspiration. Puis, la colère contenue tout au long de l’entretien explose. « Ils ont quand même poussé au régicide le prince Charles, presqu’un gamin, ils l’ont détrôné trois mois après, l’ont assassiné et jeté dans une fosse commune, comment pouvait-il rester insensible à tant de cruauté ? » Colette semble avoir oublié la question du retour de la dépouille royale. Un silence à couper au couteau s’installe dans le salon.
Après un long moment elle lâche : « Moi, je veux respecter les dernières volontés de mon père. Cela étant, si le peuple, je dis bien le peuple, pas le gouvernement, si donc le peuple burundais réclame la dépouille de son roi, personnellement je ne m’y opposerais pas. Mais il faudrait que ce soit une demande du peuple burundais pas celle des politiciens. »
Cette bouffée de colère passée, Colette Uwimana se reprend, évoque des souvenirs du Burundi, « un pays extraordinaire »। Discrètement, elle jette de temps en temps un regard sur les photos de ses frères Charles et Louis. Les deux princes au visage juvénile encadrent leur papa en grande tenue. Le prince Louis assassiné. Le prince Charles assassiné et jeté dans une fosse commune. Le roi mort en exil dans la tristesse et la misère à Genève. Trois destins brisés.
« Sa place est au Burundi » selon le Professeur Emile MWOROHA
L’historien burundais, Emile Mworoha ,estime que la dernière demeure du roi doit être dans son pays।
Mwambutsa IV est enterré à Genève। Pensez-vous qu’il serait important que sa dépouille soit rapatriée au Burundi pour y être inhumée avec les honneurs dus ?
Personnellement, je pense qu’effectivement il serait important que sa dépouille soit rapatriée car sa place est au Burundi. D’autres nations africaines l’ont fait, comme l’Ouganda avec son roi mort à Londres. Mwambutsa IV est l’avant- dernier roi de la grande dynastie Ganwa qui a régné sur le Burundi pendant plus de trois siècles. Il fut un grand monarque. Il ne faut pas perdre de vue qu’il est monté au trône très jeune- à trois ans, le 16 novembre 1915. Le roi Mwambutsa va connaître ainsi deux régimes coloniaux, l’allemand puis le belge. Et on l’oublie souvent, c’est sous le roi Mwambutsa IV que le Burundi a reconquis sa souveraineté, le 1er juillet 1962. Ce serait une manière de reconnaître la figure politique de ce grand monarque dans l’histoire du Burundi.
Qui peut demander ce rapatriement ? La famille royale peut-elle s’y opposer ?
Je pense que la famille royale peut demander le retour du corps de Mwambutsa Bangiricenge। L’Etat aussi, s’il le juge nécessaire. L’initiative peut aussi venir d’autres groupes d’intérêts. En tant qu’ancien Chef d’Etat, le corps du mwami n’appartient plus seulement à sa famille, mais à la mémoire du Burundi et à son Etat. La famille royale a certainement son mot à dire. Mais je ne vois pas pour quelle raison elle s’opposerait au retour de la dépouille du corps de notre roi. Tout cela dépend du contexte et de l’évolution politique, et de la place que cela peut valoir dans notre histoire.
Qui peut demander ce rapatriement ? La famille royale peut-elle s’y opposer ?
Je pense que la famille royale peut demander le retour du corps de Mwambutsa Bangiricenge। L’Etat aussi, s’il le juge nécessaire. L’initiative peut aussi venir d’autres groupes d’intérêts. En tant qu’ancien Chef d’Etat, le corps du mwami n’appartient plus seulement à sa famille, mais à la mémoire du Burundi et à son Etat. La famille royale a certainement son mot à dire. Mais je ne vois pas pour quelle raison elle s’opposerait au retour de la dépouille du corps de notre roi. Tout cela dépend du contexte et de l’évolution politique, et de la place que cela peut valoir dans notre histoire.
A votre avis où devait être enterré le roi et que gagnerait le Burundi quand on sait que de nombreux compatriotes, dont son fils, reposent dans des fosses communes ?
Que signifie le mot « Mwambutsa » ?
On le traduit à partir du verbe ‘kwambutsa’ qui veut dire kurenganya icambu, littéralement « passer le guet »। Ce qui est différent de ‘kwambuka’, qui veut dire « s’exiler ». On sait que dans notre histoire, lorsqu’on pensait que les conditions physiques ne permettaient plus au roi de régner, il prenait de l’hydromel empoisonné. C’est le régicide, une pratique que l’on retrouve dans de nombreuses traditions africaines. Mais la légende rapporte ainsi que les rois de nom dynastique Bambutsa ne voulaient pas respecter ce rite sacré. On disait que la tradition leur offrait la possibilité de traverser la Nyabuyongwe, et de continuer à vivre au-delà de cette rivière du Nord du pays. D’où le nom de celui qui « passe le guet de la Nyabuyongwe. »
Propos recueillis par Roland Rugero
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