28 Mai 2008 : Le Maire de la Ville de BUJUMBURA, Maître Evrard GISWASWA, annule in extremis l’autorisation qu’il a accordée la veille pour une marche

Histoire incroyable entre le Maire de la Ville de Bujumbura, Maître Evrard GISWASWA, et les organisations de la société civile. Elles ont en effet appris dans la soirée de jeudi 28 Mai 2009 que le Maire venait d’annuler l’autorisation d’une marche manifestation pacifique qu’il leur avait accordée la veille et quelques secondes seulement après un échange consensuel de deux heures sur les aspects pratiques de la marche.

Retour sur le film de cette histoire aux multiples retournements :

11 Mai 2009 : Le Ministre de l’Intérieur, Monsieur Edouard NDUWIMANA reçoit en audience six représentants des organisations de la société civile : Pacifique NININAHAZWE (Délégué Général de FORSC), Pierre Claver MBONIMPA (Président de l’APRODH), David NAHIMANA (Président de la Ligue ITEKA), Gabriel RUFYIRI (Président de l’OLUCOME), Onesphore NDUWAYO (Président de l’OAG) et Mohamed NIBARUTA (Chargé de la Communication au sein de la COSOME). Entre autres questions, les échanges portent sur le projet de marche manifestation des organisations de la société civile dans le cadre du suivi des enquêtes sur l’assassinat d’Ernest MANIRUMVA, ancien Vice-Président de l’OLUCOME ainsi que la prolifération des assassinats ciblés et des enquêtes sans résultats. Le Ministre affirme partager ces préoccupations de la société civile et marque son accord de principe de la manifestation tout en leur enjoignant d’adresser la demande d’autorisation à Monsieur le Maire de la ville.

18 Mai 2009 : huit collectifs représentant 360 organisations de la société civile adresse une correspondance au Maire de la Ville de Bujumbura pour demander l’autorisation d’une marche manifestation pacifique le 29 mai 2009, à partir de 14 heures. Ils précisent que "la manifestation se situe dans le cadre des actions de la société civile suite à l’assassinat du Vice Président de I’OLUCOME, Feu Ernest MANIRUMVA, mais aussi au constat de la recrudescence d ’une insécurité généralisée dont les victimes innocentes se comptent chaque jour ici et là." Ils ajoutent dans la correspondance que : "La société civile, très préoccupée par cette situation de harcèlement, d’enlèvement,de tueries et d’assassinats ciblés devenus courants et. ayant soif de connaitre la vérité, souhaite une occasion de plus d’exprimer <> à travers une marche manifestation pacifique."

Itinéraire proposé : Place de la Révolution-Boulevard Mwezi Gisabo-Chaussée Prince Louis Rwagasore-Avenue de la RDC-Boulevard de I’Uprona-Boulevard de l’indépendance - Côté du Stade Prince Louis Rwagasore. Lisez l’intégralité de la lettre en cliquant ici

25 Mai 2009 : Le Maire de la Ville de BUJUMBURA, Maître Evrard GISWASWA, accorde une audience aux signataires de la lettre de demande d’autorisation d’une marche manifestation. Le maire leur explique qu’il a trouvé des confusions dans l’objet de la marche. Il comprend que les organisations puissent marcher pour protester contre l’assassinat d’Ernest MANIRUMVA mais n’admet pas qu’on parle "d’insécurité généralisée" , de "tueries" au pluriel, "d’assassinats ciblés". Les représentants de la société civile lui ont amplement expliqué la réalité des faits contenus dans leur lettre, mais le désaccord a persisté sur ces trois points amenant les hôtes du Maire à lui poser la question de savoir si son véritable rôle était d’approuver l’objet d’une manifestation ou simplement de constater le caractère pacifique et légal de la marche . (NDRL:Que se passerait-il si une marche était organisée pour protester contre une décision ou une politique initiée par le Maire lui-même alors qu’il s’estime juge de l’objet de la manifestation ?). Un accord est conclu tout de même à la fin de l’audience : le Maire va écrire une lettre aux signataires demandant des éclaircissements sur les points de désaccord.

26 Mai 2009 : Le Maire de la ville de BUJUMBURA répond négativement à la demande d’autorisation de manifestation estimant que l’objet de la marche envisagée prête à confusion du fait du contenu alarmiste de certains éléments de la correspondance (recrudescence d ’une insécurité généralisée, Harcèlement, tueries, assassinats....) Et le Maire d’ajouter : "Le constat aujourd’hui est que la sécurité reste dans l’ensemble très bonne en Mairie de Bujumbura ce qui permet à la population de vaquer normalement à ses occupations quotidiennes"

Cliquez ici pour Lire l’intégralité de la correspondance du Maire

26 Mai 2009 : Les organisations de la société civile répondent au Maire de la ville pour lever les équivoques soulevées dans sa correspondance : "La présente a pour objet de lever toute équivoque sur cette marche manifestation pacifique et vous rassurer qu’elle s ’inscrit dans le cadre des actions de suivi de l’assassinat de l’ancien vice-président de l’OLUCOME feu Ernest MANIRUMVA mais aussi d’autres cas similaires"

Cliquez ici pour l’intégralité de la lettre

27 Mai 2009 : Le Maire écrit aux représentants de la société civile pour marquer son accord d’autorisation de la marche manifestation.

Cliquez ici pour l’intégralité de la lettre

28 Mai 2009 : Les signataires de la lettre de demande d’autorisation sont convoqués à 16 heures au cabinet du Maire de la ville de BUJUMBURA. Trois délégués Pacifique NININAHAZWE (FORSC), Pierre Claver MBONIMPA (APRODH) et Gabriel RUFYIRI (OLUCOME) y retrouveront le Maire de la ville entouré de cinq officiers de police et de l’Administrateur de la Commune ROHERO. Ouvrant cordialement la séance, le Maire parle d’une réunion technique traitant des aspects pratiques de la marche déjà autorisée. Les représentants de la société civile sont invités à préciser l’itinéraire de la marche (cela se trouvait pourtant clairement dans la lettre de demande) et le nombre des participants, à livrer le contenu des slogans de la marche et à donner le nom du responsable de la marche manifestation. L’itinéraire a été rappelé. Le nombre des participants est inconnu (cela n’est jamais connu à l’avance). Le nom du responsable des aspects organisationnels de la marche : Pierre Claver MBONIMPA. Il était impossible de donner le contenu des slogans étant donné que les représentants de la société civile n’avaient même pas été prévenus à l’avance de l’objet de la rencontre. Etant donné que les policiers ont expliqué qu’il y avait un risque que des intrus improvisent des pancartes dans la marche, il a été convenu que le responsable de la sécurité en Mairie de BUJUMBURA passera le lendemain à 10 heures pour lire les pancartes afin de mieux distinguer celles de la société civile. Les représentants de la société civile l’ont accepté, compte tenu de cette situation particulière, en soulignant néanmoins que cela n’était pas une exigence légale. Une modification a été convenue en ce qui concerne l’itinéraire, mais un désaccord a subsisté à ce sujet notamment sur le passage devant le marché central, les policiers estimant qu’ils ne parviendraient pas à maitriser la population et les représentants de la société civile insistant qu’ils avaient besoin de cette même population et se basant sur des expériences antérieures qui n’avaient causé aucun problème au marché central. Il a été convenu que les deux parties vont continuer à mûrir cette question jusque dans la matinée et que ce sera tranchée lors de la visite de l’officier chargée de la sécurité en Mairie de BUJUMBURA.

18h15. Le Maire de la Ville de BUJUMBURA clôture cette séance dans un climat de cordialité et de parfaite entente, toutes les parties se félicitant d’avoir bâti un cadre de franche collaboration pour la sécurité de la marche.

Coup de théâtre à la sortie : Gabriel RUFYIRI reçoit furtivement des mains de la secrétaire du Maire une correspondance dans une enveloppe. Une fois dans la voiture, il ouvre l’enveloppe : l’autorisation de la marche est annulée par le Maire lui-même ! Motif invoqué : "Cette ultime décision est prise après analyse de l’environnement sécuritaire dont certains faits présagent le risque de perturbation de cette activité" . Pourtant, dans sa première lettre il avait refusé la marche en condamnant les signataires qui parlaient d’insécurité !

Cliquez ici pour l’intégralité de la lettre du Maire

Pourquoi ce subit revirement du Maire Evrard GISWASWA ? Pourquoi n’a-t-il pas osé dire les yeux dans les yeux qu’il avait annulé la manifestation ? Comment une personnalité de son rang peut-elle tenir une réunion pendant deux heures sur un sujet qu’il a déjà tranché et qui n’a plus d’importance, arrêtant inutilement le travail de tant de personnalités ?

La décision est-elle venue d’ailleurs ? Un fait mérite une attention tout de même : le Colonel David NIKIZA a quitté précipitamment la rencontre une heure après son ouverture et le Maire est sorti deux fois dans les dernières minutes de la réunion, comme pour répondre à un appel.

29 Mai 2009 : La société civile organise "un point de presse en catastrophe" à l’Hôtel NOVOTEL de BUJUMBURA pour exprimer son indignation.

Cliquez ici pour lire le mot liminaire du point de presse lu par Pacifique NININAHAZWE, Délégué Général de FORSC.

Par la suite, Maître Evrard GISWASWA a égrainé, sur différentes stations de radio, une série de raisons ayant motivé sa décision d’annulation de l’autorisation de la marche manifestation :

1. Confusion dans l’objet de la manifestation (les organisations parlent d’une insécurité généralisée et des morts au pluriel qui se comptent tous les jours,...),

2. Les leaders de la société civile ne connaissaient pas le nombre de leurs manifestants,

3. Les leaders de la société civile ont refusé de montrer leurs slogans,

4. Les représentants de la société civile ont refusé de suivre l’itinéraire tracé par la police,

5. Les représentants de la société civile n’ont pas donné le nom du patron de la marche manifestation,

6. Le Maire avait des informations sur la préparation d’une marche manifestation non autorisée des démobilisés le même jour.

Fait curieux : personne n’a vu cette marche manifestation des démobilisés !

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